Politique

Lettre à Emmanuel #1

Monsieur Macron,
Cher Emmanuel,

Nous ne nous connaissons pas personnellement mais, sans vouloir manquer de respect le moins de monde, je vais me permettre de te tutoyer.
Non pas un tutoiement de bons copains, mais un « Tu » citoyen, marque de fabrique de notre belle République bicentenaire.
Après tout, quoi de plus naturel pour s’adresser au premier des citoyens, élu par le suffrage universel ?

Car oui, il ne semble plus faire de doutes que tu sera élu 8e Président de la Ve République.

Tout d’abord : chapeau !

Chapeau, parce qu’il fallait avoir une sacré dose de confiance pour oser ce que tu as réalisé. Sortir du lot, tisser un réseau ou renforcer l’existant, lancer un mouvement politique qui permet l’adhésion gratuite en ligne, concourir à ta première élection – et pas n’importe laquelle puisqu’il ce n’est rien de moins que l’élection suprême – ce qui signifie aussi qu’en dehors de 2022 si tu te représente, ce sera ta dernière élection. Qui t’imagine en effet devenir simple député après tout ça ?

Tu as su jouer ta chance, avec succès, en y travaillant méthodiquement.

Tu profites également du désaveux complet de la classe politique en place. Il y a un rejet massif. Un rejet qui te concerne également.

Dans cet entre-deux tours, il a autant été question du barrage au Front National que de l’hésitation de nombreux concitoyens électeurs à mettre un bulletin à ton nom dans l’urne Dimanche prochain en raison de ton projet (ne parlons pas de programme, puisque nous savons tous les deux que ce concept est bien trop restrictif) dans lequel, à minima, il ne se reconnaissent pas, voire pour certains, contraire à leur convictions.

Tu vas donc être dès Dimanche soir, grâce de nos règles constitutionnelles, le Président élu de notre beau pays mais avec un score qui ne reflétera pas un enthousiasme ou une adhésion massive à ce que tu proposes.

La faute à notre système démocratique, qui impose une issue favorable à tout scrutin organisé, au nom me diras-tu de la continuité de l’Etat, mais dont tu sais bien qu’il permet l’élection d’un homme ou d’une femme sur une base potentiellement étriquée.

Mais bref. Nous n’allons pas disserter sur les défauts de notre système.

Ce que je veux te dire, c’est que tu vas porter une très grande responsabilité. Tu te retrouves au sommet de l’Etat certes grâce à ton talent, mais aussi par les circonstances.
Tu n’auras pas reçu un vote d’adhésion massif et un plein soutient à toutes tes propositions. Loin de là.

Tu aurais été porté au premier tour par 30 ou 35% des suffrages exprimés, la question d’un vote d’adhésion aurait pu se poser.
A participation presque égale à 2012, tu es en dessous du score de François Hollande, pour lequel on n’a pas non plus parlé de vote d’adhésion.

Tu vas recevoir dimanche le mandat de conduire la France, avec la majorité parlementaire que les électeurs choisira le mois prochain.
N’en tire aucune gloire et ne commet pas l’erreur de Jacques Chirac en 2002 que tout est acquis.
Les français ne souhaitent pas nécessairement que les choses changent, mais que les choses s’améliorent.

J’ai suivi attentivement très ta campagne; Il me semble que c’est quelque chose que tu as senti. Les mois qui viennent nous dirons si c’était effectivement le cas.

Je ne me place ni en sympathisant, ni en opposant. J’observe. Je scrute.

Je m’étais promis, à mesure que le précédent quinquennat avançais que, quel que soit le vainqueur de l’élection en 2017, je prendrais ma plume (numérique) tous les jours car il me semble normal de pouvoir faire part de ses observations directement à notre représentant en chef.

Je pense néanmoins attendre le 7 ou le 8 mai pour t’écrire à nouveau, à priori pour un message de félicitations.

D’ici là, la route est courte, mais la pente raide (pour paraphraser Jean-Pierre Raffarin).

Prépares-toi à la suite car ce n’est que le début.

Très cordialement,

Maître de ces lieux