#AppleEvent2017 : Bilan du Keynote
Il est à peine 21h.
Le flux video vient de se couper.
Tim Cook, comme d’habitude en ces occasions, vient d’inviter les journalistes présents sur place à aller prendre en main les nouveaux appareils présentés au cours des deux dernières heures : l’Apple Watch série 3, l’Apple TV 4K, l’iphone 8 (et 8+) et l’iPhone X (prononcez « Ten »).
Dans le silence assourdissant revenu désormais dans mes écouteurs, je reste face à mon écran, l’œil hagard, incapable d’esquisser le moindre geste, de formuler la moindre pensée, tant l’uppercut a été violent…
Non pas que j’eusse été ébloui par les annonces de la soirée, vu qu’elles avaient toutes été plus ou moins volontairement éventée ces derniers jours. C’est tout le contraire.
Je voulais tellement croire que ce qui avait fuité était faux, sous-estimé ou, à minima, superficiel. Que la firme à la pomme allait nous réserver une ou plusieurs vraies grosse annonce inattendue, ou au moins quelques vraies surprises bien cachées sous le vernis des rumeurs…
Que nenni…
Que de déceptions !
Quoiqu’il faille remettre tout cela dans son contexte : il ne s’agit que de la conférence d’une entreprise technologique. On est loin de la fin du monde.
Mais tout de même…
S’il y avait une conférence à soigner, c’était celle-là.
Je ne suis pas un fanboy d’Apple. J’utilise certains de leurs produits parce qu’ils me sont utiles et que certaines de leurs spécifications sont meilleures que la concurrence. Mais, si au moment de renouveler du matériel, la concurrence fait mieux, je vais m’y servir.
Je change d’iPhone tous les 3 ans en moyenne, j’ai un iPad mini 1 (une antiquité) et je viens de troquer mon MacBook Air de 2012 par un MacBook Pro de 2015 (la faute à l’absence de port SD sur les nouveaux).
Tout ça pour dire que je ne coure pas après la nouveauté.
Mon iPhone 6 Plus de 2014 tient encore bien la route et il n’était pas question que l’un de iDevice présenté ce soir vienne garnir ma panoplie.
Mais même avec toutes les fuites, toutes les rumeurs, il persiste à chaque Keynote l’espoir d’un effet « Waouh » qui vous scotche dans votre fauteuil, déclenche une déferlante d’adrénaline irrationnelle vous poussant à spammer la touche F5 au lancement des précommandes.
Bon, ça m’est jamais arrivé. Sauf pour le 6 Plus par ce que mon 4 arrivait en fin de vie et qu’il fallait vraiment que j’en change.
A y réfléchir, ce Keynote de 2014 fut le dernier pendant lequel il y a eu cet effet « Waouh ».
Le formfactor du smartphone changeait vraiment pour une fois (pas l’ersatz de design de girafe de l’iPhone 5) et il était assez classe. D’ailleurs au passage, ce formfactor devient ce soir le design dont la longévité est la plus grande.
Depuis ce soir de septembre 2014, les présentations des 6s, 7 et 8 de ce soir m’ont laissés de marbre. Un peu plus que de marbre ce soir…
Laissez-moi vous raconter pourquoi…
Le Steeve Jobs Theater
Commençons par le début…
Finalement, s’il est un détail que l’histoire retiendra de cette soirée, bien plus que ce qui fut annoncé, c’est que ce fut la première conférence organisée au nouveau siège d’Apple, bâtiment de la démesure absolue, dans le Steeve Jobs Theater.
Double hommage puisque comme dirait l’autre :
Et puis parce que cet auditorium, posé là à côté, porte le nom du fondateur (ce qui n’était certainement pas prévu par ce dernier au moment de déposer les plans).
Le symbole était donc fort : 10 ans après la présentation du dernier produit d’Apple qui révolutionnait un secteur de l’industrie informatique et la vie quotidienne de milliards d’individus (qui ne sont pas tous clients d’Apple, mais qui possède un smartphone qui s’en est inspiré), produit que l’on devait à Steeve Jobs, on honorait ainsi sa mémoire en faisant coïncider la première dans une enceinte à peine achevée que l’on lui doit également, qui porte son nom le tout pour une annonce grandiose.
Tout était réuni pour faire quelque chose de grand.
Ça n’a pas du être évident pour Tim Cook, dont les trémolos dans la voix trahissait une émotion palpable et extrêmement compréhensible. La larme furtive qu’il a essuyé ne laisse pas de doute la-dessus.
La réunion du lieu et d’une date anniversaire ne pouvait que contribuer à ce climax d’émotions.
Il faut en revanche espérer qu’ils parviendront à l’avenir à se départir de cette figure tutélaire… Il arrivera un jour (ou pas) ou Apple aura vécu plus longtemps sans Steeve Jobs qu’avec (remarque valable aussi pour la France et le Général de Gaulle…)
Passé cette introduction, on entre dans le vif du sujet.
Ou presque…
Retail
Ça n’est pas la première fois que la chaîne de magasins pommés est évoqués lors d’un Keynote.
C’était la première fois en revanche que la « nouvelle » Senior Vice-Président chargée du Retail (elle est en poste depuis le 1er mai 2014, donc c’est pas non plus la dernière des recrues) venait parler sur la scène d’un Keynote.
Moment sympathique, quoique peu instructif, pendant lequel on nous aura juste confirmé le look du nouveau magasin des Champs-Elysées (Cocorico) et que le concept de certains magasins allait être revu pour devenir de véritable « lieux de vie » dans lesquels il sera possible (encore plus qu’aujourd’hui) de se former à différents sujets, de la photographie au code informatique.
Soit.
Ça aura au moins eu le mérite de mettre en lumière la seule femme de l’équipe dirigeante, ce qui est déjà un motif de satisfaction (qu’on l’ai vu sur scène hein, pas que ce soit la seule femme SVP, ce dernier point restant quand même un point noir de management…).
Apple Watch
Après 2-3 poncifs insipides habituels, dont un splendide random bullshit consistant à dire qu’il se vend chaque année 50% de montres de plus que l’année précédente sans pour autant donner de chiffres… (Gné ?), Tim passe la patate chaude au type chargé de présenter les nouveautés de l’Apple Watch.
Et donc là, dans une vidéo magnifique (synthèse ?) on nous montre un surfer qui reçoit… un coup de fil sur sa montre qui dispose d’une couronne rouge.
Sur le moment, j’ai même pas tilté que la montre sonnait. J’ai juste vu la couronne rouge, ce qui m’a permis de cocher ma grille de Bingo intitulée « les informations révélées par les rumeurs et les fuites qui se confirment ».
Mais en vrai, c’est pas ça la nouveauté. Elle sonne pour de vrai. Toute seule. Genre le surfeur, il a pas son iPhone dans la poche.
Révolution !
La montre qu’on pensait voire naître en 2014 est enfin là !
Bon accessoirement, ils ont l’air de dire que ça va résister à plus que des éclaboussures de douche, de vaisselle ou pédiluve. Genre des vraies vagues véritables de la mer salée !
Donc si on résume : on a eu droit à deux ans de bêta test grandeur nature, payé au prix fort par des millions milliers centaines dizaines quelques utilisateurs pour parvenir enfin à une version acceptable d’une montre connectée ?
Je veux bien croire que la technologie n’était pas peut-être pas encore au niveau à cette époque antédiluvienne de 2014 mais dans ce cas, sauf à vouloir se faire la main sur un marché réel, n’aurait-il pas été plus judicieux de patienter pour sortir un produit vraiment viable et pas juste un gadget à notification ?
Parce que du coup, là ça donne vraiment le sentiment que les premières versions n’étaient là que pour courir après la concurrence. Pas top comme image renvoyée quand le message martelé est « Keep us, us »…
Bon mais du coup, elle est toute clinquante, à peine plus épaisse, ça veut dire que l’autonomie roxx du poney, non ?
Oh Wait !
Nous n’aurons pas plus de détails, puisque Monsieur Apple Watch, comme à Question Pour Un Champion rend à la main à Tim qui remonte sur scène pour…
iPhone 8 et 8 Plus
Une friteuse connectée !
Hélas non, mais ça aurait au moins eu le mérite d’être vraiment disruptif !
Plus prosaïquement, avec une introduction digne des plus grands oraux de travaux pratiques de première année de droit des successions, nous passons à l’iPhone.
Et pourquoi s’emmerder à essayer de présenter le truc de vive voix quand on peut se contenter de balancer une simple vidéo ?
Bon, après plein de mouvements de caméra pilotée par un épileptique, le numéro 8 apparaît en filigrane.
Je quitte l’écran des yeux deux secondes le temps de cocher une nouvelle case de ma carte de Bingo des rumeurs confirmées.
Bon alors, il fait quoi l’iPhone 2017 ?
Un nouveau design, euh… enfin, une nouvelle robe en verre. Joli. un hommage à l’iPhone 4 ? Non, simplement une nécessité technique pour permettre le chargement sans fil via des accessoires tiers (ah ! donc, vous n’en n’avez pas prévu ?). OK.
Bon, la concurrence fait ça depuis des lustres mais on peut au moins reconnaître que ça réglera le problème douloureux de ceux, nombreux, qui galérait à écouter leur musique via des écouteurs filaires tout en chargeant leur téléphone toutes les deux heures…
Ah, autre bon point, la fin de cette couleur ignoble de « Rose gold ». Il était vraiment temps d’arrêter. Comme le « Noir Rayures de Jais », plus fausse bonne idée que ça, tu meurs. Mais bizarrement, personne ne l’a mentionné 😉
Et sinon ?
Un processeur adapté à… la réalité augmentée. What ?
Vous voulez dire que ça fait des mois qu’une armée d’ingénieur travaille à améliorer l’expérience utilisateur d’un truc aussi ringard que la réalité augmentée ? Vous vivez dans quel monde ? Qui utilise la réalité augmentée de manière sérieuse et pertinente ?
Non mais je veux dire à part le côté gadget dans Pokémon Go ou une sombre application de recherche d’appartement ?
Parce que bon, les démo qu’on a eu de jeux ça vendait quand même pas du rêve… Genre le jeu de baston ou tu tourne comme un con autour du « plateau » de jeu virtuel… Dire qu’on se moquait des jeux de rôle plateau… Ça sera cocasse : des gens qui bougent bizarrement en faisant bouger leur téléphone tout aussi bizarrement vers le sol en mode réunion des ex artistes mimes anonymes…
Bref. Pour moi ça relève du gadget et ça ne doit pas constituer une fonctionnalité majeure à mettre en avant. Mais a priori, on aura que ça a se mettre sous la dent.
Quoi ?
Ah, on me dit dans l’oreillette que ce n’est pas fini. Ouhouh… une feature inattendue ? De la batterie peut-être ?
Des photos. Encore.
Oui je dis « encore » parce que chaque année c’est la même chose : « on a amélioré l’appareil », « nos ingénieurs ne savaient pas quoi faire donc on les a fait bosser sur des fonctionnalités inutiles mais qu’on sera les seuls à faire ».
Alors qu’avons nous ?
Un meilleur capteur ? Non. De meilleurs objos ? Non.
Mais alors quoi ?
Du HDR survitaminé, un débruitage matériel bourrin, de la prédiction neuronnale et… un mode lumières de studios ?
Après les unes de magazine faites à l’iPhone on va avoir droit à l’uberisation de la photo de portrait ? Ça va plaire aux pros tout ça ! Mais après tout, c’est dans l’air du temps de faire croire à tout le monde que tout est simulable par la machine et qu’on peut tout obtenir sans efforts…
Tarifs standards. Dates de disponibilités standards aussi. Circulez, y a plus rien à voir.
Ou presque…
iPhone X
Bon alors on va commencer par ça, comme ça ce sera fait : il est moche.
« Ah non jeune homme ! On ne dit pas « C’est beau » ou « C’est moche ». Comme c’est subjectif, on dit « J’aime » ou « Je n’aime pas »
« OK. j’aime pas.
« Et pourquoi ? »
« Parce que c’est moche… »
C’est un peu cru comme jugement, mais franchement, ce design ne vend pas du rêve. Le formfactor reste le même. Le choix de matériaux n’a rien de transcendant. Les couleurs non plus. Et il n’a pas l’élégance de l’iPhone Edge…
Un vrai choix audacieux aurait été de le livrer avec une armature en céramique, comme l’Apple Watch Edition. Surtout que celle-ci est proposée en noir cette année. Acte manqué.
Et puis l’écran géant de 5″8 pouces… Pour quoi faire si c’est pour avoir un décroché pareil en haut ? Certains lui trouve du charme… Faut pas avoir de gout ! Regardez en image en paysage et vous comprendrez votre douleur. La présentation a duré presque 45 minutes et à aucun moment ils n’ont fait la démonstration de l’utilité d’un écran bord à bord… C’est ballot quand même. Donc à part la hype, ça sert à quoi ?
En revanche, Phil s’est étendu sur la qualité de l’écran. un écran OLED, le premier a être intégré sur un iPhone par ce que avant, « c’était pas terrible ». Mais du coup, un écran fourni par Samsung, à prix d’or, qui pompe une batterie monstre pour afficher un jeu en réalité augmenté pixelisé… Pourquoi ? C’est comme mettre un moteur permettant de monter à 230 km/h sur une voiture qui ne sera autorisé à rouler qu’à 130. Une débauche de moyens mal employés.
En dehors du fait qu’il n’y aura de toute manière pas beaucoup de stocks disponibles le 3 novembre, les gens se seraient contentés d’un écran peut être moins clinquant mais avec une batterie qui tienne vraiment le choc.
Parce que bon, les 2h (plus ou moins) supplémentaire par rapport à… un iPhone 7 ne sont quand même pas mirobilantes… Notez au passage que la comparaison est faite avec le 7 et pas avec le 8. Bizarre dis donc ! Et on comprend vu que la fiche technique du 8 indique que l’autonomie est « a peu près » la même que celle du 7. #LOL #specificationsdenormand
Je passe sur les selfie en mode « portrait pro ». Au moins Apple assume son orientation pro-narcissiques compulsifs.
Et on en arrive au clou de la présentation. Non, il ne s’agit pas des tarifs prohibitifs (vous vous attendiez à quoi : que ça soit livré en bundle dans les paquets de Frosties ?). Il ne s’agit pas non plus des dates de disponibilités : on sait qu’ils sont en galère.
Non, le truc dont ils sont le plus fiers : la personnalisation d’Emojis…
Sérieusement, ils ont quoi avec les emojis ? Ok, c’est sympa… deux fois dans l’année. Faut pas non plus en faire une feature de la mort qui tue. Si c’est tout ce qu’ils ont trouvé à faire avec un système de reconnaissance faciale c’est qu’on est vraiment dans la merde.
Conclusion
Toute l’ampleur de ma déception et de ma frustration vient du fait que j’avais assisté (à distance) à la fameuse présentation du premier iPhone en 2007. C’était mon premier Keynote et à l’époque, encore étudiant, il ne faisait aucun doute que je troquerait mon iPod nano de l’époque et mon Sony Ericsson en carton pour cet appareil révolutionnaire.
10 ans plus tard, avec l’ambition affichée de rééditer l’exploit de révolutionner le monde la téléphonie, le compte n’y est pas.
Déjà parce qu’en 2007 il était question uniquement de téléphone. Sauf que les smartphones sont devenus tellement plus que ça. Ce sont de véritables ordinateurs de poche. La preuve, le processeur de l’iPhone 8 est plus puissant que celui d’un MacBook Pro. Bon, il y a encore des écarts de composants qui font que ces performances brutes ne signifies pas grand choses, mais quand même, on n’est plus tout à fait dans le même contexte qu’en 2007.
Apple ne se bat plus contre des téléphone à clapets moches peinant à afficher des site « imode » moches et lents.
On attendait plus et mieux. Mais c’était sans doute trop tôt. Signe révélateur : la confession que le chargeur à induction fait maison ne serait dispo qu’en 2018. Apple cours après l’histoire et ne révolutionne rien.
Encore un point qui tâche : l’iPhone X est censé devenir le nouveau standard du monde des smartphones, le summum de l’expertise d’Apple, le moteur de toutes les innovations à venir. Il y a 10 ans, l’iPhone était présenté par Steeve Jobs. 10 ans plus tard, c’est un simple Senior Vice President en charge du marketing qui s’en charge, comme il s’en est déjà chargé à chaque reprise depuis que Tim Cook dirige Apple.
L’occasion ne valait-elle pas que le CEO tienne le crachoir un peu plus longtemps et pas simplement pour balancer des banalités affligeantes ?
L’événement n’était-il pas de son propre aveux suffisamment exceptionnel pour qu’il daigna lire les slides lui-même, ce qui aurait peut-être évité les bafouillages de Schiller ?
Au final, nous n’avons eu que des présentations de produits intermédiaires. Trop peu d’avancées ou trop peu de matière pour en faire de véritables outils. L’iPhone X de l’an prochain (s’il s’appelle encore ainsi) sera déjà plus intéressant à regarder.
Nous avons eu une présentation du futur de l’iPhone (là où Apple veut aller, qu’on aime ou pas), de l’iPhone du futur (ben ouais, il ne sort qu’en Novembre #LOL) mais pas franchement le futur des smartphones…