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Origine de Dan Brown : voyage au bout de l’ennui

On ne peut pas attendre de Dan Brown autre chose que du Dan Brown. C’est comme un épisode des Feux de l’Amour : les personnages sont toujours les mêmes, les situations identiques. Seuls les décors changent. Et encore…
Origine, ne fait donc pas exception…

Origine de Dan Brown est donc le énième épisode des aventures rocambolesques de Robert Langdon. Ce désormais célèbre symbologue est atteint du symdrome de « John McClanite aigüe » : toujours au mauvais endroit au mauvais moment…
Alter ego imaginaire de l’auteur – qui sera toujours plus passionné, passionnant et cultivé que ne se rêve l’auteur – il est connu pour se mettre régulièrement l’église catholique à dos et se retrouver plongé dans des situations improbables fruits d’un nombre impressionnants d’imbroglios…

C’est avec ce héros que Dan Brown popularisera un style de roman devenu son gagne pain : le thriller cryptologique, avec comme point de départ le Da Vinci Code.

Quoique que je ne l’ai pas couché par écrit à l’époque (une idée tient !), les reproches que j’ai à faire à Origine sont pour la plupart les mêmes que ceux que j’avais émis à la lecture du Da Vinci Code. Reproches auxquels il faut désormais ajouter l’usure du concept.

Les ficelles d’écriture sont éculées et la prolifération de clones a transformé ce format narratif en un simple objet marketing.

Mais ça fonctionne et ça se vend. Par palettes. La faute à un style simple et une apparente vulgarisation artistique et scientifique qui transforme une banale histoire en une illusion de grande fresque d’action servie par un propos scientifique apparemment crédible. Pour les ignorants, qu’ils le soient par nature ou par ambition, ça passe crème et on s’achète un peu de culture à peu de frais.
Certains découvriront certainement qu’une cathédrale est toujours en cours de construction en Espagne. D’autres apprendront que l’Espagne est dirigée par un Roi. Les américains découvriront enfin l’existence d’un pays étranger qui s’appelle l’Espagne (OK, j’exagère un peu…).

Mais cessons de nous apitoyer et entrons dans le vif du sujet…

Le tour d’Espagne, par Tripadvisor

Au commencement, Dan Brown jette son dévolu sur un pays au hasard : l’Italie, la France, les Etats-Unis. Et cette année, l’Espagne.

Puis, au moment de se lancer dans l’écriture, Dan Brown lance une recherche Google du type « Visiter [Pays choisi] en un week-end ».

Il obtient ainsi une liste des incontournables que les touristes en chaussettes dans des crocs vont avaler au pas de charge entre deux escales d’un paquebot ou deux correspondances de la PanAm.

Mais la liste doit être encore trop longue car, l’autre caractéristique des romans de Dan Brown, outre leur unité d’espace, leur narration métronomique et leur vernis de véracité, c’est leur unité de temps. Sans doute un peu trop fan de la série « 24 », tous les romans de Dan Brown se déroulent dans un laps de temps de 24 heures.

Du coup, il faut entrer au forceps autant de choses qu’il peut dans cette contrainte temporelle, et ça se ressent dans le récit.

Quand la ville où se déroule l’intrigue est d’une richesse culturelle, architecturale et historique foisonnante – Rome, par exemple, rien n’impose à ce que le récit en sorte. Toute l’intrigue peut se dérouler sur place car l’auteur aura toute la matière dont il estime avoir besoin pour servir son propos.

Mais quand le point de départ se trouve dans un lieu ou une ville où rien d’autre ne justifie la poursuite du récit selon les standards Browniens, et bah du coup, il faut inventer un truc pour aller ailleurs pour voir autre chose. Parce que oui, un Dan Brown où il n’y a pas de super monuments ou lieux mystérieux, ça ne répond pas au cahier des charges hyper strict du bonhomme.

Alors ça nous donne des voyages en avions supersoniques qui téléporte littéralement les protagonistes ou, plus tristement, un simple vol en avion dans le cas qui nous occupe aujourd’hui.

Car oui, Mesdames et Messieurs, sous vos yeux ébahis, non content de placer son intrigue en Espagne, Dan Brown fait ce choix, totalement novateur et inédit, de démarrer son récit (la vraie histoire, hein, pas le pseudo prologue tout moisi du début)… au Musée Guggenheim de Bilbao. Une ville cosmopolite, dynamique et ouverture sur le monde, connue pour… bah que ça en fait.

Blague à part, il y a plein de choses à faire et à voir à Bilbao, mais là n’est pas la question. Non pour ça il faudrait que je pense à ouvrir un blog voyages ou une chaîne Youtube de tuto pour voyageurs et là maintenant, j’ai pas envie.

Bref.

L’Espagne de Dan Brown se résume donc à Bilbao, enfin juste le musée hein, un petit coup de Madrid vite fait, et surtout Barcelone avec la Sagrada Familia.

Voilà. Circulez, y a rien à voir. Pour le reste des trésors Espagnols, vous repasserez.

Pourquoi ces deux épicentres ? Sans doute parce que ce sont ceux qui correspondent le mieux aux canons scénaristiques de l’auteur et que l’utilisation d’autres hauts lieux ibériques auraient nécessiter beaucoup trop de réflexions et de contorsions intellectuelles pour s’ajuster au calibre de la narration.

Bon. Le décor vaguement planté, ça parle de quoi ?

S’il te plais, écrit moi un scénario !

Le roman démarre en nous introduisant (en tout bien tout honneur) l’un des personnages principaux : un magnat de la technologie, chercheur et amateur d’art. Il est à l’origine de plusieurs avancées technologiques et à un certains don pour réaliser des prédictions sur les futures révolutions technologiques. En somme, un mélange d’Elon Musk, de Mark Zukerberg et de Steeve Jobs.

Appelons-le d’ailleurs Elon Steeve Zukerberg.

Ce bon monsieur se rend à une importante réunion secrète qu’il a provoqué avec d’éminents responsables religieux au sommet d’une montagne, sur laquelle se trouve un monastère. Mystères…

Là, il leur fait une importante révélation sur le résultats de ses recherches sur le sens de la vie et l’origine de la vie sur terre, résultats qui vont, selon ses dires, remettre en questions toutes les religions du monde. Le but avoué de la réunion est de lui-permettre d’observer les réactions de ces bons pasteurs face à ses révélations.

OK. Résumons.

Nous avons donc un génie mondialement connu, qui participe à une réunion secrète dont le but est de tâter le terrain auprès de représentants des trois religions monothéistes et d’être bien sur qu’ils ne vont pas être super jouasses qu’on leur explique qu’ils vont bientôt fermer boutique.

C’est quoi ton putain de but ?

Parce que là c’est la mise en situation la plus pourrie de l’histoire des mises en situation. Genre tu croyais qu’ils allaient garder le sourire et t’offrir un verre de vin de messe ?

Parce qu’en plus, histoire de rendre ça encore plus crédible, il leur explique qu’il va faire la même révélation dans un mois, mais cette fois-ci, au monde entier dans un événement planétaire retransmis sur le web (ah bon ? pas par minitel ?).
Mais en fait non, parce que la présentation est en fait prévue pour dans trois jours… Le vieux coup de pute.

Donc à part te faire mousser et espérer qu’ils vont pas balancer la purée avant ton show, ta réunion, elle sert à quoi ?

Bon heureusement, les trois religieux sont teubés et a part trembler des guiboles, ils ne font rien. Ouf ! Le roman peu continuer.

Et donc là, c’était que l’intro…

Trois jours plus tard

Passé cette mise en bouche, on retrouve le bon Professeur Langdon à Bilbao, car il a été invité à la petite sauterie d’Elon Steeve Zukerberg.

Rappelons qu’il vit au Etats-Unis et qu’un voyage en Europe ça prend du temps et un minimum d’organisation.

Mais a priori, les invitations ont été lancées au dernier moment et tout le monde rapplique le doigt sur la couture, de la starlette jusqu’au éminents représentant du monde politique. Enfin, c’est ce qu’on croit deviner parce que la foule compacte des « VIP » comme ils sont désignés n’est jamais clairement décrite.

Bref. Je passe les digressions de l’auteur sur la symbolique de l’architecture du musée et des œuvres exposées parce qu’au final on s’en fout, et que ça n’a aucun rapport avec l’intrigue.

Langdon fait la rencontre de son audioguide qui s’avère être une IA développée par Elon Steeve Zukerberg. Une IA vachement couillue (genre pas celle de FIFA) puisqu’elle est individualisée pour chaque visiteur. Belle prouesse. Pour avoir une idée de ce à quoi pourrait ressembler une soirée dans un musée où tous les participants sont affublés d’un audioguide, pas besoin d’aller bien loin, il n’y a qu’à aller à la Cité du Vin à Bordeaux… Effet « Big Brother » garanti…

Pendant que ça blablate, le temps file et on se rapproche de l’heure fatidique.

Après une rencontre mystérieuse, improbable et inutile entre Landgon et Zukerberg qui ne sert qu’à gâcher du papier et de l’encre on se rend finalement sur le lieu de la révélation qui se trouve être une espèce de dôme dans lequel on a posé… du gazon pour que tout le monde puisse s’allonger et regarder un écran IMAX comme au Futuroscope.

Bon. Là, c’est très long et on se demande s’il va finir par cracher sa Valda. C’est plus la technique de l’élastique là, c’est l’élastique du silp de Carlos (le chanteur pas le terroriste)…

Avant qu’il ait le temps de finir (bon, il lui restait encore bien 20 minutes de bla bla quand même), il se fait descendre par le méchant dont le n’ai pas encore parlé mais qui ressemble à tous les méchants des bouquins de Dan Brown : un type costaud, aux ordres d’une organisation mystérieuse… Oh là là… Quelle originalité !

Bon en gros, c’est un officier de la marine espagnole, qui a un compte a régler avec des gens qui ont fait exploser la cathédrale de Séville pendant qu’il y était avec sa famille, attentat au cours duquel il a perdu sa femme et son fils.

Bon là, comme ça, on sait pas trop pourquoi il faut qu’il bute Zukerberg et le lien avec l’attentat de Séville, mais je suis sur qu’on nous réserve une bonne explication.

Oh wait !

Non aller, je spoile pas encore 🙂

Cours Forest !

Zukerberg est donc tué d’une balle de pistolet fait à l’imprimante 3D (ceci n’est pas une blague !). L’audioguide a tenté de prévenir Langdon qui s’est rué vers Zukerberg, trop lentement pour le sauver, mais trop vite pour que la sécurité ne se dise pas « C’est un peu bizarre que ce type soit visiblement au courant, il est louche ! Plaquons le au sol et faisons lui un touché rectal ! ».

Bon, tout est vrai, sauf le touché rectal. Ça c’est juste pour toi qui te rappelle que le bouquin t’a coûté 23€.

A l’aide de l’audioguide qui… éteint les lumières, il parvient à se barrer avec la conservatrice du musée, dont le rôle jusqu’à présent n’avait été que de faire le mot de bienvenue. Accessoirement c’est la fiancée du futur roi d’Espagne. Accessoirement est le terme juste parce que ce pan de l’intrigue ne sert à rien. Une partie du récit consiste à nous laisser penser que la famille royale (ou les autorités en général) sont impliquées : c’est non.

Donc on va en rester à l’info essentielle : c’est la side-kick de Langdon. Point.

A partir de là, c’est juste une course poursuite : on s’enfuit du musée, on va a l’aérodrome pour prendre le jet privé de Zukerberg, on déambule en Tesla dans les rues de Barcelone, on fouille le loft de Zukerberg pour finir par se friter à la Sagrada Familia avec l’officier de marine à l’imprimante 3D qui meurt comme une merde en tombant dans les escaliers…

Et par le pouvoir du canon récursif, Langdon parvient à localiser l’endroit où se trouve l’ordinateur surpuissant de Zukerberg dans lequel est stocké la fin de son PowerPoint.

Et là intervient une vraie surprise : contre toute attente, aucun retournement de situation ne vient perturber le déroulement de l’histoire. On va vraiment avoir la révélation finale. Incroyable !

Mais qu’elle est t-elle donc ?

Et ben tenez-vous bien, mais l’audioguide (enfin pas lui directement mais la super machine qui l’héberge) a pu déterminer que la vie avait pu naître toute seule sans intervention divine ou fécondation extra-terrestre.

Comme dirais Jacqouille : Dingue !

Encore plus fort, la même IA est parvenu à déterminer que le futur de l’être humain allait être de « fusionner » avec la technologie. Enfin « fusionner » est un bien grand mot. On ne parle que de Weareable Technology. Pas d’implants ou autres excroissances cybernétiques…

Bon après tout ce remue ménage, on apprend que l’audioguide est programmé pour s’effacer après la mort de son créateur, qui de toute façon était condamné à cause d’une maladie incurable et que c’est pour ça qu’il a lui même commandité son assassinat via l’audioguide qui se faisait passer pour le chef de l’officier de marine…

La boucle est bouclée. Circulez, y a plus rien à voir.

Mais du coup, qu’est ce qu’on a vraiment vu ?

A l’Origine… était Wikipedia

On termine le roman avec un goût amer dans la bouche. Tout ça pour ça ?

Ce qui fait la principale force de l’intrigue en constitue paradoxalement son principal défaut a posteriori. L’idée d’une IA surpuissance, qui peut se démultiplier à l’envie est une idée intéressante. Mais son omniprésence dans tous les compartiments du récit lui confère un rôle de Deus Ex Machina obsolu. Original au départ, cela devient vite prévisible et tue rapidement le suspense.

Autre grief : le fait que l’IA s’efface littéralement à la fin du bouquin, alors que toute l’intrigue ou presque repose sur elle, entraîne mécaniquement un retour à la case départ. Personne, en dehors des deux protagonistes principaux, n’aura connaissance de son existence ce qui tue tout enjeu et que tout ce qui s’est passé, c’était pour du beurre…

Le fait que Langdon ne puisse faire valoir l’existence de cette IA pour expliquer un certain nombre de situations le place de facto dans une situation délicate, renvoyée après la fin du roman, dont on se garde bien de parler. L’auteur souhaitant visiblement que l’on ne retienne seulement qu’il va y avoir de nombreux débats suite à l’annonce faite sur l’origine de la vie.

Écueil supplémentaire, le plan d’Elon Steeve Zukerberg pour « faire le buzz ». Visiblement, son annonce ronflante n’allait pas toucher suffisamment de monde. Lui ou l’audioguide (sur sa propre initiative, ce qui fait froid dans le dos) planifie donc son assassinat. Effet garanti.

Le fait que l’audioguide prévienne Langdon n’a pas pour but de faire en sorte que l’assassinat soit évité. Le timing est trop mauvais de toute manière. Non. Plus pervers que ça : il s’agit simplement de faire en sorte que Langdon soit impliqué et se trouve de facto plongé dans la quête pour diffuser la fin du message messianique de Zukerberg.

Brillant ou totalement démoniaque…

Je passe sur le style lourdingue et l’abus des cliffhanger. On a l’habitude…

Non, le vrai gros défaut d’Origine, c’est qu’il veut brasser tellement de sujets, que ça se termine en bouillie indigeste et sans saveur. Genre le café amer et sans sucre, que tu bois froid dans un appart sans chauffage qui sens le tabac froid et la bière tiède.

Intelligence artificielle, recherche fondamentale, réseau neuronaux, secte, terrorisme, réseaux sociaux et internet, descriptions d’oeuvre d’art, Uber, Tesla… N’en jetez plus !

Le tout fait un bon 450 pages et je suis à peu près sur qu’on arrive à raconter la même chose dans une nouvelle beaucoup plus courte.

On sent bien que l’auteur s’est documenté. Mais c’est retranscrit de manière tellement peu habile que ça revient à écrire « Ah oui, au fait, je me suis renseigné sur les possibilité de calcul des IA, et ben, on peut faire des trucs de fou ».

Mouais…

Verdict : ça se lit ou pas ?

NON !

C’est pas très bien écrit, c’est fade (même pour du Dan Brown !), ça ne va nulle part et même l’intrigue est bancale… On est dans la même veine que le Symbole Perdu ou Deception Point.

Le livre porte le message suivant « Ça serait cool que la science remplace les religions, on se taperait moins sur la gueule ». Ou pas ! Les controverses scientifiques existent et l’objectivité apparente de « La Science » ne garantit pas qu’on ne finirait tout de même pas par se mettre sur la gueule…

Le roman ne propose pas d’aller plus loin et pose son postulat comme ça, et démerdez vous avec.

Non, si vous voulez un vrai bon bouquin qui base son intrigue sur la puissance des mathématiques, je vous conseille le cycle de la Fondation d’Asimov. Un classique indémodable qu’il est excellent de compter parmi ses lectures.

Maître de ces lieux

2 commentaires

  • Thielen

    Je suis tombé par hasard sur cette critique. Je viens de lire le bouquin. Effectivement je ne l’ai pas trouvé grandiose. Heureusement qu’on me l’a prêté car m’aurait fait chier de dépenser de l’argent pour ça .
    Mais honnêtement cette critique est du même acabit que le bouquin. De belles paroles et plein de figures de style pour essayer de cacher la frustration évidente de son auteur qui visiblement, jalouse Dan Brown. Écrire des best-sellers est une chose. Des critiques agressives et suintante de jalousie sur le net en est une autre.
    Salutations à l’auteur.
    Charly

    • PeheMe

      Merci d’être passé par ici et d’avoir pris le temps de laisser un commentaire.
      Je revendique bien entendu le caractère « acide » de ma prose qui ne cache hélas pas grand chose de mon opinion vis à vis de cet ouvrage.
      Quant à une « jalousie » à l’endroit de Dan Brown, je confesse à l’inverse une certaine fascination pour la facilité avec laquelle il parvient à écouler ses œuvres. Pour être jaloux, il faudrait que je cherche à faire la même chose que lui, ce qui n’est heureusement ou malheureusement pas mon cas.
      L’art est difficile mais la critique est aisée. C’est pour cette raison que je tâche, autant que faire se peut, de rendre hommage aux œuvres de qualité qui passent entre mes mains et qui font l’objet d’autres critique ici même.
      Salutations !

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