Livres

Silence sous la blouse de Cécile Andrzejewski

Allo Pital ? Ici lence…

Le livre de Cécile Andrzejewski lève le voile sur un phénomène invisible pour la plupart d’entre nous mais qui ne fait hélas mystère pour personne : le harcèlement et les abus sexuel dans le milieu hospitalier.

Loin des clichés véhiculés par les séries télé médicale (#docteurmamour) l’auteur met en lumière les cas tous plus édifiants les uns que les autres de harcèlement, d’attouchements, voire dans les pires des cas, de viols commis par des médecins, encadrants de santé ou plus rarement d’autres personnels médicaux.

Mais bien plus que les faits en eux-mêmes, la grande force du livre réside dans les témoignages et la parole donnée à toutes les victimes de ces actes odieux.

Le travail de l’auteur est d’autant plus rigoureux qu’elle marche sur le fil, puisque de nombreuses procédures sont actuellement en cours, ce qui oblige à insister sur le fait que tant qu’aucune condamnation n’est prononcée, la présomption d’innocence prime.

Dans un milieu professionnel déjà difficile, puisque tous ces individus dévoués au service des malades exercent déjà en soi un métier difficile, prenant et épuisant, mis en surtension par un manque de moyens humains et matériels croissant, les abus sexuels pratiqués constituent la goutte d’eau inacceptable de trop.

Au royaume des intouchables

Et là où l’on prend véritablement la mesure du vertige que constitue la multiplication de ces cas scabreux, c’est quand l’auteur met en lumière le véritable système sous-tendant ces actes.

De la culture « carabine » qui veut que les blagues grivoises (pouvant dériver jusqu’au bizutage) sont dans les « traditions » jusqu’à la question criante de la pénurie de personnel qualifié qui justifie pour l’administration de ne sanctionner personne au risque de déplumer encore un peu plus des effectifs déjà tendus, en passant par l’excuse commode du nécessaire « besoin de décompresser » pour des praticiens mis sous pression et fatigués.
Cette dernière prend des formes diverses, comme des blagues salaces, des piques misogynes, des humiliations publiques (notamment en salle d’opération) où, dans les pires des cas, des coup ou des atteintes sexuelles.

Le pire dans tout cela, c’est que pratiquement dans tous les cas, aucun des actes mentionnés n’est sanctionné, que cela soit par la hiérarchie (donc l’administration) ou la justice, cette dernière ne pouvant presque rien faire sans action de la première. Ce serpent qui se mord la queue est d’une insoutenable ignominie…

Sous prétexte que ces messieurs occupent une position « prestigieuse » au sein de l’appareil hospitalier, qu’ils sont rares et stressés, tout leur semble acquis et autorisé.

La violence faite système

Et c’est finalement cela qui traverse tout l’ouvrage. Le point commun de toutes les dérives, tous les abus, toutes les violences : un mélange malsain de pouvoir, de phénomène de castes et d’un monde en bout de course.

Les parallèles sont ainsi nombreux avec le livre de Claire Maximova avec lequel il partage beaucoup de point communs : le silence complice de la hiérarchie des coupables, le sentiment d’impunité que procure leur statut prestigieux au sein de l’institution, leur faculté à se savoir essentiels et difficilement remplaçables, etc.

Mais par dessus tout, un machisme débridé qui renforce tous les points évoqués par un sentiment de supériorité déplacé et vomitif.

Dernier parallèle et non des moindres : qu’il s’agisse des prêtres « fragiles » ou des médecins « stressés », leur attitude vis à vis des femmes qu’ils sont amenés à côtoyer ne serait en fin de compte qu’une « soupape » ou un exutoire pour ne pas « exploser en vol ».

Ce qui est choquant, c’est que dans les deux cas, il est questions d’hommes qui ont choisi pour vocation d’aider les autres… Curieux paradoxe qui pourrait être sujet à sourire s’il ne débouchait pas sur des actes impardonnables…

Ce livre tente donc de donner un coup de pied dans la fourmilière même si celle-ci apparaît être en béton armé tant l’immobilisme semble être le guide de conduite de tous ceux qui en sont en charge.

Un ouvrage salutaire et éclairant pour qui douterait encore du fait que le fléau du harcèlement sexuel ne s’est pas insinué partout tel un poison…

Maître de ces lieux

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