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Millenium 5 : le roman suédois en kit, à monter soi-même

Le rouleau compresseur Millenium 5

Avant de vous parler de Millenium 5, il faut que je vous parle d’un truc.

Il y a selon moi trois choses insupportables dans l’univers : attendre le bus, la surabondance de publicité pour un produit et les quatrièmes de couvertures qui ne correspondent pas au contenu de l’ouvrage…

Bon j’avoue que le premier point, c’est parce que j’ai un passif à évacuer avec les transports en commun. Mais pour le reste, l’ouvrage du jour l’ouvrage du jour tombe en plein dedans. Imaginez qu’en plus vous lisiez en attendant le bus…

« Millenium 5, la fille qui rend coup sur coup » est donc le cinquième opus de la série Millenium. C’est d’ailleurs le seul truc de la couverture qui se vérifie avec le nom de l’auteur.

Depuis le décès de Stieg Larsson, auteur des trois premier opus, l’écriture de la suite a été confiée au biographe de Zlatan (oui, on en est là…) qui à l’époque était un illustre inconnu et qui aujourd’hui est en passe de devenir l’écrivain le plus conspué de sa génération après Georges R. R. Martin.

Pour ne s’en tenir qu’à la trilogie initiale, il faut bien admettre que le tout premier opus est de loin de meilleur. Les deux suivants sont également très bons, mais à mon sens moins réussi que le premier, comme s’ils étaient victimes d’un effet « Matrix » : un premier épisode qui se suffit à lui même, suivi par deux épisodes indissociables n’ayant pas le souffle du récit initial.

Mais dans l’absolu, les trois premiers volets sont plaisants, cohérents et prenants.

La disparition de son auteur ne permettant pas de surfer sur le succès immense de la saga pousse son éditeur à recruter un auteur pour violer le cadavre et le talent relancer la machine à cash poursuivre le travail artistique et offrir une suite aux aventures de Mickael Blomkvist et Lisbeth Salander.

Autant le dire de suite : contrairement au quatrième épisode, quelconque sans être excellent, Millenium 5 est insipide et mauvais. Les premiers retours vont d’ailleurs en ce sens malgré quelques exceptions statistiques. Rien néanmoins qui ne puisse entraver la marche du raz-de-marée commercial annoncé, tant la campagne de publicité mensongère aura matraqué la moindre parcelle du cerveau des consommateurs avec la finesse d’un éléphant manipulant un marteau piqueur sous stéroïdes.

Avec cela, il serait facile de tirer sur l’ambulance. Mais ce n’est pas le genre de la maison.

Non.

On va lui défoncer la gueule à l’ambulance.

Le pitch : l’histoire de potche

Entendons-nous bien : le Pitch d’un livre, présenté en quatrième de couverture, n’est en rien un résumé de l’intrigue. Au contraire, on attend de lui un brève exposition du contexte dans lequel va évoluer l’intrigue (nous sommes en plein milieu de la seconde guerre mondiale, dans un monde imaginaire, sur mars après une attaque zombie, ou que sais-je), et quelques points clés qui vont structurer le récit pour inciter le lecteur à pousser jusqu’à la fin du livre pour découvrir le dénouement.

Le problème récurrent avec ces quatrième de couverture, c’est qu’ils sont l’oeuvre la plupart du temps du service marketing de l’éditeur. Ça devient donc un produit d’appel qui s’éloigne parfois plus que sensiblement du contenu véritable. J’avais déjà dénoncé cet écueil ici.

Et là, le moins qu’on puisse dire, c’est que le marketing n’a pas fait dans la dentelle !

Racontes-moi une histoire

L’éditeur présente le livre en 6 lignes :

Suite aux infractions qu’elle a commises en sauvant le petit garçon autiste dans « Ce qui ne me tue pas », Lisbeth Salander est incarcérée dans une prison de haute sécurité pour négligence constituant un danger public. Lorsqu’elle reçoit la visite de son ancien tuteur, Holger Palmgren, les ombres d’une enfance qui continuent à la hanter ressurgissent. Avec l’aide de Mikael Blomkvist, elle se lance sur la piste de crimes d’honneur et d’abus d’Etat, exhumant de sombres secrets liés à la recherche génétique.

Trois pour nous dire que Lisbeth se retrouve en prison.
Une et demi pour nous dire que son ancien tuteur est venu la voir pour lui parler de son passé.
Et une et demi supplémentaire pour nous dire qu’elle va enquêter avec Mickael Blomkvist sur plein de trucs.

Bon alors… Par où on commence ?

Lisbeth est en prison : c’est vrai.
Elle a reçu la visite de son tuteur : c’est vrai, mais c’était avant le début du roman. Sa visite est décrite on ne peut plus rapidement et à la fin de la séquence, on n’y voit pas plus clair. Mais surtout, quand le roman démarre, Lisbeth se contrefous totalement de cette visite. Elle a d’autres priorités en tête.
Elle va enquêter avec l’aide de Blomkvist sur tout un tas de trucs : Faux ! Ils vont faire des trucs chacun de leur côté et viser des objectifs différents. Le « crime d’honneur » (oui parce qu’il n’y en a qu’un en fait hein) : elle s’y colle toute seule. Les abus d’état : je les cherche encore. Les expériences génétiques : au delà du fait que cette dénomination est largement exagérée, on se demande encore comment sans les contorsions artificielles du récit ils peuvent encore trouver l’issue de cette intrigue…

Je vous passe les détails sur le fait que l’éditeur se soit cru obligé d’ajouter une page « Le point de vue de l’éditeur » pour spoiler détailler l’intrigue en mode « bon, on s’est foiré sur le quatrième de couverture, on va faire mieux »…

Mais trève de spoil bâclé, passons à l’intrigue !

L’intrigue

Aussi improbable que cela puisse paraître compte tenu de la fin du précédent opus, Lisbeth Salander se retrouve en prison.

Pourquoi ? Mais parce que sans ça, toute une partie de l’histoire tombe à l’eau, mon bon ami ! Peu importe si le motif invoqué est aussi crédible et pertinent que l’argumentaire d’un mec bourré en fin de soirée.

C’est tellement fumeux qu’on comprend d’un coup pourquoi la moitié du pitch est consacré à ce « détail ».

Bref.

L’héroïne du roman (Lisbeth hein, pas une substance blanche illicite… dont une petite injection expliquerait sans doute quelques errances d’écriture) est donc dans une prison de haute sécurité – la précision est importante – pour femme, mais semble, contre toute attente, plutôt bien s’accommoder de la situation car cela lui permet de disposer d’énormément de temps pour travailler à la résolution d’énigmes scientifiques mais surtout jouer le bon samaritain avec une détenue qui se fait martyriser par la terreur de la prison.

Ce dernier point est le départ de la première intrigue du livre, intrigue qui a ce stade n’a aucun rapport avec ce qui était annoncé en quatrième de couverture.

Non pour ça, Lisbeth va glisser à Blomkvist qu’elle a des listes de noms à lui faire vérifier après que son ancien tuteur, devenu grabataire et dépendant, lui ait rendu une petite visite de courtoisie.

S’en suit donc toute une enquête laborieuse, dont le déroulement n’est du qu’à la démiurgie de l’auteur qui balance sans ménagement les bouts de l’intrigue au gré de ses besoins, sans cohérence.

Pour y voir plus clair, il faut donc scinder le récit en deux, ce qui ne pose aucun problème puisque les deux intrigues sont parfaitement hermétiques. Le seul trait d’union entre les deux étant Lisbeth mais comme si elle n’a pas le temps de s’occuper de tout, elle sous-traite l’intrigue principale à Blomkvist… Dommage.

Lisbeth au pays des teubés

Nous avons donc une première intrigue, sur fond d’islamisme radical, qui se résume à l’élucidation d’un meurtre. Celui-ci a été commandité par des intégristes dont les traits de caractères caricaturaux sont hélas très (trop) proches de la réalité : misogynes et machistes, ayant une interprétation toute personnelle et erronée de leur religion et un absence de gout très prononcée pour le courage.

Dans une paisible famille Bengladaise, le père et deux de ses trois fils, ont mis sous cloche l’unique fille de la maisonnée et cherchent à la marier de force à un inconnu pour elle.

Cette dernière parvient malgré tout à sortir et à rencontrer un homme dont l’idéal est de libérer le Bengladesh du joug des extrémistes.

C’est le coup de foudre et ils couchent ensemble.

Ses frangins découvrent l’histoire et pensent n’avoir le choix qu’entre tuer leur sœur pour laver le déshonneur ou tuer son amant pour… la même raison, sauf qu’en plus ça pourrira bien la vie de la frangine. Ah ah ! Humour terroriste !

Armé de leur plus grand courage, ils missionnent donc le petit dernier qui se trouve être :

  1. trop innocent et naïf pour être méchant
  2. juste un jeune con qui s’en bât les couilles

Bref, alors qu’il ne sait pas trop pourquoi, il se sent obligé de s’exécuter et d’exécuter le pauvre malheureux en le poussant sous le métro. Le tout est fait de telle façon que ça passe pour un suicide, comme ça, ni vu ni connu, personne n’est suspecté.
Pour garantir le tout, il y a plein de gens complices qui surveille ce que fait le jeune ado histoire que ça ne parte pas en vrille.

Attention : tout ça, on ne l’apprend que vers la fin du roman, quand la fille en question raconte plus ou moins tout à Lisbeth.

Mais du coup, c’est quoi le rapport ?

Attends !

Donc, la fille fini par comprendre que son petit frère tout chétif a fait une grosse connerie et, malheureuse comme les pierres, s’en prend… à l’un des deux autres frangins par ce qu’au fond elle sait bien que c’est eux qui tirent les ficelles.

Et donc c’est pour cette agression qu’elle termine en prison. Au fond du gouffre, elle est complètement introvertie ce qui en fait une cible de choix pour le gros bras de la prison.

Comme Lisbeth aime pas trop qu’on s’acharne sur les faibles, et sur les femmes en particulier, elle prend les choses en main et se substitue au personnel de la prison qui laisse faire sans rien dire.
On rappelle au passage que tout ceci se passe dans une prison de « haute sécurité », contexte qui peut signifier deux choses :

  1. une critique en creux du système carcéral suédois : sous doté en personnels ou foirant complètement son recrutement parce qu’on a affaire à des couards et/ou des incapables
  2. un artifice narratif destiné à souligner et renforcer le caractère impitoyable et terrifiant de l’antagoniste, qui, même dans un contexte de « haute sécurité » déborde la sécurité en place. Mouais…

Vu la façon dont les choses sont présentées, on a envie de dire : ni l’un, ni l’autre. On serait dans une prison « normale », cela ne ferait pas beaucoup de différence.

Bref.

Lisbeth colle une raclée à la vilaine. L’un des surveillants – qui a aidé Lisbeth à aller sur Internet – se rachète une dignité et prend ça sur lui, ce qui épargne à Lisbeth une prolongation de son séjour en ce lieu paradisiaque, même si toutes les détenues savent bien à quoi s’en tenir.

Lisbeth fini par sortir parce que sa peine était minime, ce qui prouve bien que sa détention était du flan (même si arrange bien l’intrigue). Aussitôt sortie, elle cherche élucider le meurtre du jeune idéaliste.

Sur la base de supputations, elle analyse la vidéo surveillance du métro et grâce à une IA (ah ! merci le terme galvaudé pour parler d’un réseau neuronal…) elle parvient à découvrir que c’est le petit frère qui a fait le coup, que les frangins sont derrière, etc…

Elle se rend chez eux, les pousse à bout pour qu’ils balancent des aveux. Aveux qu’elle filme et diffuse immédiatement sur le net en prenant quelques coups de savate au passage.

Ils s’enfuient et finissent par s’associer à la vilaine du début, qui par la magie du retournement de situation forcé, a réussi à s’échapper de l’hôpital où elle était « très étroitement surveillée ».

Bon, je retire ce que j’ai dit : a priori l’auteur a un vrai passif avec les personnels carcéraux parce que pour les décrire aussi nuls, c’est qu’il les a dans le collimateur. Sinon je vois pas…

Lisbeth est donc enlevée au cours de la scène d’enlèvement la plus clichée et téléphonée de l’histoire de la littérature. Je passe les détails qui nous conduisent à l’affrontement final où… les méchants perdent et Lisbeth triomphe presque sans l’aide de personne…

Et… c’est tout…

Plus de la moitié du roman consacré à ce fameux « crime d’honneur ». Et encore, là on a regroupé tous les éléments au même endroit mais dans le fil du récit tout s’imbrique avec l’autre intrigue dans une démarche pseudo chronologique…

Bon, c’était déjà pas terrible mais passons maintenant au reste…

Mickael et les jumeaux

Tout démarre donc avec Lisbeth qui communique un nom et l’existence d’une liste de noms à Blomkvist lors d’une de ses visites en prison, sans aucune explication ni contexte.

Avec son charisme de poulpe mort, le bonhomme s’exécute parce que bon, d’une part s’il le fait pas, y a plus de bouquin, et puis aussi parce qu’on ne refuse rien à une nenette tatouée qui peut foutre le feu aux gens qui l’énerve…

Donc il met ses talents de journaliste chevronné en action…

Non, je déconne. Il cherche sur Google. Comme tout le monde…

Le type dirige une revue qui a fait trembler des tas de gens, s’est attaqué à des scandales politiques et financiers impensables, donne des leçons de journalisme à longueur de temps, tout ça pour lancer trois requêtes sur le net et exhumer des statuts Facebook. Ah ben bravo !

Bon, il trouve quand même deux ou trois trucs et notamment que le type en question, dont on ne sait toujours rien, a travaillé avec une ex à lui. C’est le prétexte à la scène de sexe réglementaire, quoique très discrète. Mais ça baise quand même !

Après des tonnes et des tonnes de dialogues, de cogitations internes, Blowkvist décide d’aller rendre visite au fameux type, dont le prénom est Léo, à une conférence auquel ce dernier participe pour en savoir plus.

Il doit également aller rendre visite à l’ancien tuteur de Lisbeth, devenu grabataire et dépendant, parce que ce dernier lui explique qu’il a un peu trop remuer la merde autour du passé de Lisbeth en téléphonant à un obscur psychiatre dont l’unique action du livre consistera à envoyer une tueuse pour régler son compte au vieux tuteur.

Et c’est là qu’on découvre la deuxième vilaine du bouquin : un mix de Tata Suzanne et de Mamie Tromblon. Armée de ses seringues des années 60, elle vous tue n’importe qui à la vitesse de l’éclair. Mais en 30 minutes…

Ce personnage est… improbable…

La bonne femme est relativement âgée, gravement malade, donc pas au mieux de sa forme, mais elle a une niaque pour descendre des gens… Moi, quand j’y pense, ça me fait penser à ça :

Bon elle arrive à l’appartement du tuteur, se fait passer pour une infirmière, pour endormir la méfiance du patient, qui ne peut de toute manière pas s’enfuir parce qu’il ne peut plus bouger, et qui ne peut plus appeler quelqu’un au téléphone parce que ceux-ci sont en panne (coïncidence ?).

Et là où le plus simple serait de lui coller un oreiller sur la figure, Mamie préfère lui coller des patchs dans le dos, non pas avec morphine, mais un autre composé chimique létal.

C’est quoi le délire ?

Les patchs c’était pour faire plus discret ? Mais dans ce cas, il fallait un truc indétectable, pas un truc avec une dose de cheval. Parce que là ma bonne dame, les gens vont se douter d’un truc. Donc le but c’était pas d’être discret et de maquiller ça en accident ou en suicide (LOL : imaginez le truc « Il s’est suicidé en se collant des patchs dans le dos…). Donc dans ce cas, autant faire vite et bien avec un oreiller non ????

Bon, elle le laisse là, agonisant. Blomkvist débarque parce que subitement il s’est dit qu’il devrait se rendre plus tôt à son rendez-vous et trouve le pauvre homme pas en très bonne forme.

Il tente de le sauver avec du bouche à bouche, du massage cardiaque et parvient à lui faire prononcer ses derniers mots : une prénom féminin et un demi nom de famille. Situation à peu près aussi clichée que les bombes qu’on désamorce alors qu’il ne reste qu’un seconde au compte à rebours.

Il mène son enquête et fini par retrouver la dame en question. Et là, on reprend le fil de l’histoire, avant que Tata Suzanne intervienne.

Oui, parce qu’entre temps, ils ont finalement rencontrés le fameux Léo à sa conférence. L’ex de Blomkvist le trouve changé, notamment parce qu’à priori il est devenu droitier, alors que dans son souvenir il était gaucher.

Mais bon, à ce stade là, on s’en fout.

Donc la nana sur laquelle il met la main et qui le fait picoler lui explique qu’elle a fait partie d’une organisation (ça doit être ça les « abus d’état » du pitch sauf qu’on cherche encore le lien avec l’état…) qui menait des expériences sur des jumeaux en les séparant et les plaçant dans des familles d’accueil aux caractéristiques opposées afin de voir comment les deux individus évoluaient. Le tout sans que l’un n’ai connaissance de l’existence de l’autre.
Le contexte de l’expérience permettant ainsi théoriquement de déterminer l’influence de l’environnement face à l’inné.

Mouais…

C’est probablement le plan secret le plus pourri de l’histoire des opérations secrètes !

Bon, même en admettant qu’un jour, au hasard, on ait placé deux jumeaux dans un tel contexte à la naissance, il fallait quand même avoir l’idée tordue d’en concevoir une extension à grande échelle, industrialisée et avec toute une organisation autour… Je sais même pas si en vrai quelqu’un a eu l’idée d’un truc pareil. Et en fait, personne n’a envie de savoir. Ça semble tout de même hautement improbable.
Ce qu’on sait en revanche, c’est que l’auteur de ce truc, lui, il en a eu l’idée. Et ça pose un vrai problème parce que ça viole complètement le principe de suspension consentie de l’incrédulité.

A aucun moment, ce truc ne fonctionne. C’est tellement grotesque, tellement inconcevable, tellement tout, qu’on regarde ça avec un rictus navré et qu’on a hâte que ça s’arrête (comme cette chronique qui devient absolument trop longue…).

Bref.

Après encore plein de bla bla, Tata Suzanne est coffrée, Blomkvist tient une histoire en or et tout le monde est heureux.

Fin.

Ouf.

Woh putain, y a plein de trucs qui vont pas dans ce bouquin…

« Ça fait mal… » (© Christophe Maé)

Je sais même pas par quoi commencer tellement y en a partout. En reposant le bouquin, on a l’impression d’être vautré par terre dans une grande pièce après une soirée Projet X ou Very Bad Trip : du vomi et de la merde partout, sans savoir par où commencer pour nettoyer.

Bon, commençons par le plus simple et ce qui saute aux yeux : les personnages sont sans reliefs, calqués sur des archétypes sans saveur et qu’on a vu, vu et revu des milliards de fois dans n’importe quel polar de roman de gare.

Sous couvert d’un pitch tapageur, l’intrigue est une basique enquête policière sans véritable enjeux et où les aspects subversifs sont simplement gênants. Les péripéties sont téléphonées, les rebondissements prévisibles à la ligne près et l’absence de surprise est encore plus anesthésiante que de regarder un replay de Louis la Brocante sous titré en slovène.

Mais même tout ça n’est rien face aux trois plus grands problèmes posés par ce livre.

Double effet Kiss-cool

En premier lieu le récit est plus que desservi par la double intrigue.

A aucun moment les deux intrigues n’ont de points d’accroche. On a donc l’impression de lire deux livres différents. C’est d’autant plus gênant que Lisbeth est censée être le centre de chacune des deux intrigues. Or ce n’est pas le cas… Pire, elle est presque absente du bouquin. Elle a bien quelques scènes d’action, mais elle semble tout prendre de loin, presque avec mépris. Et je ne parle pas du détachement propre à la psychologie du personnage. Là on a vraiment l’impression qu’elle n’y touche pas.

C’est pas elle qui a changé. C’est juste écrit avec le cul…

L’auteur a cru bon de dérouler le récit selon une trame chronologique. Sauf que ça ne sert à rien. Le découpage qu’il a fait rend le tout confus, à la limite du compréhensible et on espère toujours voir arriver le moment où les deux récits vont se rejoindre. Moment qui hélas n’arrive jamais… Le traitement infligé aux deux histoires trahi la nécessité qu’il y aurait eu… à en faire deux livres séparés… Dommage.

Twist à Stockholm

Deuxième problème qui ruine toute crédibilité au récit, le twist de la résurrection de l’un des deux jumeaux.

Oui parce que j’en n’ai pas parlé jusque là, mais le fameux Léo est en fait victime de l’expérience débile. Il a un jumeau, duquel il a été séparé. Bon, je passe sur les détails mais l’un était chez les riches, l’autre chez les pauvres. Ils se retrouvent. C’est le bonheur. Puis d’un coup ils se disputent mais se rabibochent et décide de se venger de Tata Suzanne qu’ils connaissent tous les deux.
Sauf que leur plan ne se déroule pas comme prévu. Elle empoissonne l’un des deux à la vitesse fulgurant à laquelle il faut une vieille dame pour planter une seringue des années 70 dans la carotide (oui parce qu’elle est vieille mais elle sait putain de bien viser !).

Le produit qu’elle lui injecte ne le tue pas sur le coup mais va bloquer sa respiration (décidément bien perverse la vieille) et pour faire durer le plaisir lui injecte une dose d’un antidote… provisoire. Genre qui fait effet un moment, et puis non en fait…

Bon, son plan c’est de permuter les jumeaux : en gros elle propose au pauvre de prendre la place du riche. En lui offrant une vie rêvée, elle le fait chanter et sauve sa peau.
Le pauvre hésite devant son frère qui s’étrangle. Puis accepte.

Ils partent enterrer le cadavre, pas encore mort, dans la forêt (ah, cliché quand tu nous tient). L’âme damnée de Tata Suzanne (non, s’il vous plait, me faites pas dire des trucs sur lui !) creuse un trou. Le frangin demande a être seul pour le mettre en terre (oh mon Dieu, je suis vraiment en train d’écrire ça ?) et par la magie du « grand n’importe quoi », il revient à la vie !

Ta-da.

« Aller casses-toi, je vais reboucher le trou ».

Et ça passe crème.

Genre ils rentrent à l’appart et le survivant téléphone en mode « Wesh la forme, ça va bien ». Et il part vivre sa vie ailleurs.

Est-ce que c’est pas un twist tout pourrave ? Le type se fait piquer, presque sauver pour de faux, presque enterré mais en fait non, tout ça par l’oeuvre d’une mamie plus très fraîche… Genre en plus à la fin, happy end, ils vivent des vies bien cool chacun de leur côté et la vie est belle.

Sans compter que tout ça est raconté dans un flash-back interminable, lui même segmenté et distillé entre deux pan des deux autres intrigues.

Est-ce qu’à un moment donné, l’auteur pourrait arrêter d’essayer de violer notre cerveau ?

Je veux bien que ce soit une oeuvre de fiction, domaine qui autorise à peu près tout. Mais là on frise le scénario d’un épisode de lost. Version Nanar.

L’histoire n’est pas rocambolesque. Elle est juste psychédélique. Et on meurt un peu plus à chaque paragraphe.

Mais c’est pas ça le pire. Et pourtant on a déjà du haut niveau…

Brasse coulée

Non le pire, c’est que dans son périmètre de petit thriller, le livre veut ou tente de brasser beaucoup trop de sujets. Là encore, y en a partout : la finance et ses dérives, la fragilité du système financier, les fake news, les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, la pshychologie et le rôle de l’inné et de l’acquis, le jazz et des digressions sur Django Reinhardt.

Le meilleur exemple de cet empilement de sujets est la scène finale de la cérémonie d’obsèques du tuteur de Lisbeth. A tel point que ça pue la conclusion écrite avant le reste : en mode copie de bac philo.

Et à brasser plein de sujets, le livre ne permet d’en retenir aucun.

Millenium 5, le chaînon a manquer

Il est grand temps d’arrêter le massacre.

Sérieusement. Ou au moins que les liasses de billets amassées par l’éditeur servent à publier et faire connaître de jeunes auteurs talentueux et pleins de bonnes idées.

Millenium 5 est de loin le plus mauvais de la série, mais c’est surtout en dehors de ça un mauvais livre. Le rythme y est forcé, les intrigues fadasses, sans subtilité et l’écriture laisse vraiment à désirer.

Et j’en reviens à mon point de départ : l’étiquette ne correspond pas au produit. Le titre est mal choisi et le quatrième de couverture est trompeur pour ne pas dire mensonger !

Cela étant, vu le contenu, j’aurais pas aimé être à la place du type chargé de la communication. Résumer une bouse sans faire de la merde soi même, c’est un beau challenge !

Bon, sur ce je file. Je vais aller me rincer l’esprit avec un bon bouquin.

Oh wait ! On me dit que Dan Brown sort un nouveau roman

Oh shit…

Maître de ces lieux

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