L’IA va t-elle aussi tuer la démocratie ?
Bon. Par où commencer ?
Par le titre bancal qui laisse entendre par son « aussi » que l’Intelligence Artificielle (IA) aurait déjà tué quelque chose ou quelqu’un ?
Par le pedigree des deux auteurs, dont l’un n’est pas loin d’être considéré comme un charlatan et l’autre parmi les hommes politiques les plus détesté de France ?
Par les liens troubles qui semblent unir les deux hommes ?
Par la structure du livre qui, loin de nous proposer un dialogue entre les deux protagonistes, nous offre au mieux deux brouillons de copies du concours d’entrée à l’ENA, au pire, deux monologues ânonnant d’abord des clichés délirant pour la première partie et un semblant de programme électoral pour la seconde ?
Ou par rien de tout ça et on reprend du début avec le pitch ?
De quoi ça cause ?
Comment résumer ça simplement ?
Vous voyez ces repas de famille interminables, où après avoir ingurgité une quantité incalculable de plats en sauces et autres mets bourratifs, vous êtes coincés à table avec de vieux oncles bourrés refaisant le monde entre deux verres de poire ?
Et bien là, c’est pareil…
En gros, selon les auteurs, nous sommes en train de nous faire manger la laine sur le dos par les États-Unis et la Chine avec leurs armées de grandes sociétés capitalistes (presque) incontrôlables qui développent à grand train l’IA.
Notre retard en la matière (en France et en Europe) serait donc dramatique car nous perdrions ici une part de notre souveraineté et de notre puissance dans le concert des nations au profit de vilaines dictatures qui trouvent avec l’IA un outil supplémentaire pour asseoir leur emprise intérieure et leurs velléités extérieures.
Ainsi, dans une conclusion aussi subtile qu’un marteau piqueur sous stéroïdes, la seule solution pour sauver le monde, d’une part de tomber sous le joug soit des chinois, soit des américains, ou pire, d’être un jour gouverné par une ou plusieurs IA : c’est de faire confiance à la politique.
Venant d’un type, certes qui a été ministre, mais qui a su cristalliser sur lui toute la défiance que l’on peut éprouver à l’égard d’un responsable politique, et d’un « médecin-entrepreneur » dont la proximité avec la politique est troublante, ça ressemble quand même beaucoup à des agents immobiliers en faillites qui proposeraient un viager à une vieille dame en coma végétatif…
Bref, sous prétexte de nous délivrer un « coup de sang » comme nous le signale l’éditeur, les deux pinpins prêchent quand même pour leur paroisse dans une tentative intellectuellement contestable et fort peu honnête.
Faisez-nous confiance !
Ce livre est une véritable injure faite à tous ceux qui se préoccupent sérieusement du progrès, de l’innovation, de l’économie, de la politique et de la démocratie.
Sous couvert de nous livrer une analyse des enjeux de l’IA et de son développement les deux auteurs se livrent chacun à un exercice d’élucubration qui n’a d’autre but que de servir le point de vue sous-jacent au propos du livre dont le titre ne sert que de cache sexe.
En effet, si Laurent Alexandre empile les poncifs peu inspirés sur le sujet et qui reste d’une généralité affligeante, dans une première partie qui ne sert que de lampe de lancement au monologue de Jean-François Copé.
Le point de vue de ce dernier est d’ailleurs on ne peut plus clair : votez pour moi et je ferais passer par ordonnances (merci les recettes du monde d’avant !) les mesures nécessaires pour que tout le monde puisse profiter de l’IA et de ses bienfaits tout en vous protégeant de ses dérives potentielles.
Charmant programme.
Votez pour moi !
Non seulement cette seconde partie, qui présente au moins la qualité d’être mieux écrite que la première grâce aux talents de tribun de Monsieur Copé, prend la forme d’une profession de fois mal dissimulée, mais pire, si elle parle bien de politique et du rôle de ceux qui en ont la charge, le discours n’applique pas la même logique à ce domaine.
Pour les auteurs, tous les domaines sont ou vont êtres impactés par l’IA et son développement. La plupart du temps pour le mieux car cela accélérera les actions, limitera les erreurs, etc. Mais pourquoi donc parler des avancées dans le domaine médical ou les médecins pourront être supplantés par l’IA dans les phases de diagnostics (compilation de milliards de données impossible par l’homme) et ne pas appliquer le même raisonnement au politique et à la fabrication de la loi par exemple ? Une IA sera plus efficace qu’une armée d’assistants parlementaires pour concevoir un texte, en mesurer l’impact, prendre en compte les adhérences de tous les textes, etc…
Étrange plaidoyer qui voudrait faire de la chose politique l’alpha et l’oméga sans que celle-ci ne doivent subir le même traitement, bénéfique, que les autres domaines…
Étrange vous ne trouvez pas ?
Au final, un livre avec une portée de vue plus que limitée et un parti pris tendancieux, qui aurait gagné à être plus franc et direct dans son propos et de nous annoncer la candidature de Jean-François Copé pour 2022…