Voyage au pays des bibliothèques
Ce livre échoue dans tout ce qu’il entreprend, ce qui est une performance rare et exceptionnelle.
Déjà, c’est couillu de mettre en vente en librairie une version légèrement tunnée d’un rapport public téléchargeable gratuitement. On va prétexter que c’est justement pour décloisonner la confidentialité relative de ce type de rapport. Ou encore que, s’agissant du livre, il allait de soi que la destination naturelle de ce rapport était justement les rayonnages des bibliothèques et par ricochet, des librairies.
Ou encore, qu’il s’agira de distribuer les bénéfices à une association. Ah ! On me dit dans l’oreillette que c’est déjà fait !
Vendre 14€ un lot de 120 pages aussi peu consistant relève du coup de génie marketing. On n’est pas loin du casse du siècle.
S’il n’avait été exposé dans les médias, et surtout dans la Grande Librairie de France 5, ce petit opus au titre déjà destructeur, serait resté confiné à un anonymat dont il n’aurait jamais du sortir.
Le titre donc. Qu’y a t-il à lui reprocher ? Tout en fait. Le choix de ce titre est symptomatique des errances des auteurs et qui traduit quelque part l’incompréhension des commanditaires du rapport vis à vis de l’objet de l’étude.
Tout est dans le titre
Voyage déjà.
Wikipedia nous dit :
Un voyage est un déplacement dans l’espace, contraint, effectué vers un point plus ou moins éloigné dans un but personnel (par exemple tourisme) ou professionnel (affaires) […] »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Voyage
Indubitablement, nos deux compères ont vu du pays et ont fait du tourisme. Quant à s’être imprégné de la destination, il semble qu’il faille davantage prendre ce voyage comme une escale de croisière ou un citytrip peu inspiré.
Et surtout, ce qui importe dans un voyage, c’est le chemin emprunté. Pas la destination. Or, parler de voyage alors que l’on a pour objectif de rendre un rapport, qui est donc le point d’arrivée et donc de destination, c’est mettre l’accent sur cette destination au détriment du chemin.
Choux blanc donc.
Pays ensuite.
Nul n’est prophète en son pays
Dans son sens premier, le dictionnaire nous dit :
Un pays est un territoire habité, constituant une entité géographique et humaine
http://www.cnrtl.fr/lexicographie/pays
Les bibliothèques et leurs personnels seraient-ils donc à ce point un territoire à part, derrière une frontière avec un langage à part ?
Si c’est comme cela que les perçoivent les auteurs, on est un peu mal barré non ?
Et là où ça fait des chocapic, c’est que tout le rapport gravite autour du fait que les bibliothèques sont l’élément principal de l’accès à la culture, à la connaissance, etc. L’accès aux accès…
Comment pourraient-elles donc être à la fois un vecteur déjà en place de cette diffusion mais en même temps totalement à part ? C’est un non sens.
Bibliothèques enfin.
Les grandes oubliées
C’est chiant, mais les mots ont un sens.
Une bibliothèque (du grec ancienβιβλιοθήκη : biblio, « livre » ; thêkê, « dépôt ») est le lieu où est conservée et lue une collection organisée de livres.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Biblioth%C3%A8que
De bibliothèques, il sera finalement très peu question tout au long de ces quelques brèves pages superficielles.
Ou plutôt, les auteurs prennent pour un fait acquis que la question du « livre » est réglée.
Or, comme ils l’avouent eux mêmes, plus de la moitié des espaces que l’on appelle « bibliothèques » ne sont que des « points d’accès aux livres ». Si les usagers de ces lieux doivent bien se trouver en présence d’une collection effectivement organisée de livres, les volumes en présences et par conséquent la cohérence de l’offre ne sont certainement pas à la mesure des enjeux.
Plutôt que de se perdre dans des considérations sur les transformations des usages et pousser à la généralisation de services de niches, le rapport aurait dû bien plutôt insister sur le socle nécessaire et indispensable que représentent les livres.
S’il faut effectivement accompagner les évolutions des pratiques culturelles et sociétales, la vocation première d’une bibliothèque est d’offrir un accès aux livres sous toute ses formes.
Un livre qui tape à côté
Superficiel, enfonçant des portes ouvertes, abondant dans le sens souhaité par l’exécutif sans en discuter ni la forme ni le fond, ce « rapport » ne fait qu’effleurer son sujet, appuyé sur une vision parcellaire de la question et biaisé par quelques exemples, certes emblématiques, mais loin de témoigner des problématiques profondes auxquelles sont réellement confrontées les bibliothèques de notre… pays.
La semaine prochaine, découvrez le rapport de Christophe Castaner sur les nights club de France et sur la façon de supporter la filière de la nuit à travers son ouvrage « Very Bad Tip : Périple en contrée nocturne« .