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La solitude Caravage de Yannick Haenel : émotions et fascination

Fascination pour le maître

La solitude Caravage est une déclaration d’amour enflammée pour ce peintre italien à la fois célèbre mais paradoxalement méconnu.

Yannick Haenel nous propose ici un triple parcours initiatique au fil de ses pages enflammées.

D’abord sa propre découverte de l’artiste au cours de sa jeunesse pendant sa scolarité. Parcellaire, mystérieuse, érotique et enfiévrée. Une découverte initiale qui le bouleverse et le marquera à jamais. Au fil du temps, l’auteur se rapproche toujours un peu plus du Caravage, se documente, s’instruit, se forme, et parvient finalement à son épiphanie : travailler en Italie et à Rome, au plus près des œuvres du maître.

Le Caravage n’est pas seulement un hobby, une lubie ou une simple passion. C’est pour Yannick Haenel un chemin de vie et une véritable transcendance.

Car la vie de l’auteur se fait écho de celle du Caravage, la violence en moins, et l’on est les témoins d’une véritable appropriation, pour ne pas dire assimilation, de la vie du Caravage tant l’auteur semble ressentir dans ses chairs les tourments du génie.

Une vie pour la peinture

Et c’est là le second degré de lecture de cet ouvrage. Loin des monographies classiques ou du simple exercice biographiques, la solitude Caravage nous donne effectivement à voir ce que fut la vie du Caravage.

Une vie tourmentée, agitée, qui se traduit par le vagabondage, la violence et la solitude. Une solitude paroxystique en ce qu’elle s’incarne non seulement dans la solitude intrinsèque du peintre, seul devant son œuvre et sa technique, mais également dans la solitude de son for-intérieur. Seul face à lui-même, le Caravage est un personnage torturé qui aura tout connu : le deuil, la pauvreté, l’isolement, la détresse, la gloire, la fuite, le confort et la violence.

Une vie courte (39 ans seulement) mais à la fois trépidante et terrible, intense et fragmentée, sublime et chaotique, riche et désordonnée. Mais surtout une vie dédiée à la peinture. Une peinture sombre, teintée du noir (la couleur de Dieu), le noir des nuits de beuveries et de rixes qu’il a si souvent fréquentée, le noir de son âme torturée qui trouve un reflet dans ses coups de pinceaux.

Mort de maladie après avoir arpenté des marais insalubres à la poursuite d’un bateau contenant des tableaux qu’il rapportait à Rome, il disparait dans l’indifférence général, laissant derrière lui le champ libre pour ses détracteurs qui brossent de lui un tableau famélique et vengeur.

Le Caravage laisse ainsi une soixantaine de toiles connues à ce jour et passés les affres du temps et de la jalousie de ses contemporains provoquée par la compétition de l’époque, le temps est désormais à la contemplation et à l’analyse.

Symbologie de l’oeuvre du Caravage

C’est la troisième clé de lecture de la solitude Caravage. Si l’on ne rentre évidemment pas dans le détail de chaque tableau, que Yannick Haenel confesse ne pas tous connaître et tous avoir vus, ce dernier ne nous donne pas à voir simplement les détails de quelqu’une des œuvres du Caravage, mais nous illumine du langage visuel auquel recours ces toiles qu’un œil novice et candide pourrait trouver banales au premier regard.

Les plus infimes détails prennent ainsi sous la plume ciselée et méticuleuse de l’auteur une dimension quasi mystique. Déployant des talents de poésie quasi lyrique, Yannick Haenel nous transporte littéralement dans un monde d’image, de symboles et de sens. Cette passion exaltée pour le jeune peintre et surtout son œuvre que l’auteur s’emploie à décrire, détailler, décrypter et sublimer par la puissance de son verbe et de sa plume, pourrait passer pour du fanatisme. Mais l’ivresse qui s’empare de Yannick Haenel est si sublime dans sa plénitude et son abandon, qu’elle nous emporte avec lui dans cette contemplation et que l’on se surprend alors à presque toucher du doigt ces toiles.

On ne ressort pas tout à fait le même de la lecture de la solitude Caravage. D’une part, on va ressentir l’envie d’aller voir l’œuvre du Caravage. Pour cela, la bibliographie sélective proposée par Yannick Haenel est un bon point de départ. Mais surtout on risque à tout moment de se laisser à notre tour happer par tous les infimes détails des toiles que nous serons amenés à croiser et que notre œil n’aurait pas forcément su voir au premier regard.

Une lecture envoutante dont la richesse intellectuelle et lexicale mérite le temps qu’on lui consacre et à laquelle on sera heureux de revenir.

Maître de ces lieux

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