Quand commerce et culture font mauvais ménage
Quand la défense de la culture et du commerce rendent les positions du gouvernement contradictoires
Il n’est décidément pas facile d’être à la tête de l’Etat.
Ce jour, Arnaud Montebourg, ministre au redressement productif, a participé à l’annonce de l’implantation de la 3e base logistique du géant du commerce en ligne Amazon, sur ses terres de Saône et Loire, à Châlon-sur-Saône pour être exact.
Cette implantation, rendue possible par la nouvelle position de l’élu Bourguignon et par les avantages – certes légaux – conférés au groupe américain en contrepartie du choix de Chalon, est une bonne nouvelle pour les habitants de la région et une petite victoire pour le ministre, même si l’on ne doute pas que la décision de créer une nouvelle plateforme logistique en France est un projet bien antérieur à l’arrivée d’un ministre au redressement productif.
Le fait est que le gouvernement, par la voie d’un de ses ministres se félicite de la croissance d’une entreprise, certes à capitaux US, mais qui génère de l’activité et donc de la croissance dans l’hexagone. Qu’importe au final que ladite entreprise paye ses impôts au Luxembourg et autres réjouissances fiscales. Pour moins que ça, on a demandé à des entreprises de rembourser des aides publiques – certes légales – en représailles contre des agissements pas très patriotes…
Mais bon. Après tout, il faut bien chercher les leviers de croissance là où ils se trouvent, et vu le volume d’activité d’Amazon, c’est un gage de pérennité de l’emploi et des revenus fiscaux idoines. Sans compter que le service rendu aux clients d’Amazon (dont je suis), va s’en trouver en principe encore amélioré. Mais c’est un détail.
Là où ça se complique, c’est qu’à un mois d’intervalle, un autre membre du gouvernement émettais un avis bien plus réservé sur ce même acteur économique.
Les prises de positions contradictoires ne sont pas une nouveauté. Il arrive même qu’elles soient le fait d’une même personne. Par exemple, ce même M. Montebourg, qui, à l’occasion du lancement de Free Mobile en janvier dernier utilisait cet évènement pour tacher le président en place en disant que Free avait plus fait pour le pouvoir d’achat des français que Sarkozy en 5 ans, mais qui, devenu ministre et soumis au lobbying intensif des opérateurs « historiques » trouve maintenant que la concurrence est dérégulée et a été poussée trop loin. Etrange…
Dans le cas d’Amazon, la charge est venue du ministère de la culture, qui volait au secours des librairies indépendantes, qui souffrent de la crise et de la concurrence, plus ou moins déloyale « d’un géant de l’internet ». On ne parle même pas de l’oubli, volontaire ou pas, du rôle néfaste des éditeurs qui ne rendent pas les choses faciles, car appliquant une réduction plus importante à Amazon qu’à ses même libraires indépendants… Mais passons…
Comment, en un mois à peine, peut-on jeter l’opprobre sur un acteur économique dont on peut certes critiquer les méthodes, pour ensuite l’accueillir à bras ouvert, faisant ainsi fi des réserves émises antérieurement ?
Puisque, si on comprend bien, tous les maux du monde de la librairie indépendante viennent d’Amazon et de son influence grandissante, le choix d’encourager l’implantation d’Amazon est un signal envoyé signifiant que le pays à besoin d’investissements structurels et de grandes entreprises capables de générer de l’emploi, du CA et donc des taxes et des impôts. Finalement, on semble avoir choisi quel camp on soutenait.
Pas sur que ça plaise à la rue de Valois ni aux libraires. En attendant un hypothétique plan de sauvetage de la profession, la real-economie a pour le moment marqué un point contre le petit commerce culturel de proximité.
Affaire à suivre…