Et finalement Christian Cambier eu tord !
Selon Christian Cambier, gérant chez Swiss Life Banque Privée, les années en 5 sont toujours excellentes. Et ce dernier de citer 2005, 1995, 1985, 1975, etc…
Toujours excellentes, économiquement parlant s’entend.
Année par terrible : hausse sur le premier semestre, chute brutale en Août, reprise molle et volatilité sur la fin de l’année.
Bilan : année morose, voire mauvaise en termes de performances sur les marchés.
Côté actualité, pas mieux : attentats, élections, migrants, guerre en Ukraine, en Syrie, ralentissement de la Chine, psychodrame sur la sortie de Grèce.
D’un point de vue macro, sans se laisser entrainer sur les pentes glissantes du déterminisme, les années, non pas en 5 mais 15 (une fois par siècle donc) revêtent régulièrement un caractère particulier car porteuses d’un ou plusieurs évènements marquants :
- 1115
- 1215
- 1315
- 1515
- 1615
- 1715
- 1815
- 1915
Si le synchronisme de l’histoire veut qu’on l’on parvienne a effectuer une lecture séculaire des évènements pour leur conférer une dimension métronomique, la régularité des « bonnes années » de Monsieur Cambier relève a mon sens bien plus de l’heureuse coïncidence.
D’ailleurs, la théorie de Monsieur Cambier ne permet pas de remonter bien loin dans la chronologie des marchés financiers. En effet, au delà de 1975, on serait bien en peine de trouver d’autres années « exceptionnellement performantes ».
C’est que de mon point de vue cette série d’années remarquables dont le seul dénominateur commun est d’avoir un numéro en 5 ne doit son caractère sériel qu’à la mise en place d’un succession cadencée de cycles économiques dont la première itération a pris place lors d’une année en 5.
Les cycles économiques modernes de la seconde moitié du XXe siècle étant d’une régularité et d’une prévisibilité déconcertante, tout juste troublée par les deux chocs pétroliers qui n’ont eu pour conséquence qu’un redéploiement de la structure des cycles, nous nous retrouvons donc avec un haut de cycle lors des années en 5.
Jusqu’à cette année donc.
Mais pourquoi donc ma bonne dame, cette année a t-elle donc été si mauvaise alors que tous les voyants semblaient être au vert ?
Nous n’avons en effet eu de cesse de nous faire bassiner par le soit disant alignement des planètes que consituaient la chute des prix du pétrole (entrainant avec lui l’ensemble des matières premières), les taux bas et un euros faible face au dollar.
Mais ce que l’histoire ne dit pas c’est qu’un « alignement des planètes » est un phénomène naturel ponctuel, éphémère, esthétiquement très joli, mais sans impact sur la vie de l’univers. Point important, rien n’intervient pour que cet alignement se réalise. Il est le fruit non du hasard mais de la régularité cosmique. Ce phénomène peut s’anticiper mais ne peut pas être provoqué.
L’alignement des planètes économiques auquel nous avons assisté n’est pas non plus le fruit du hasard ou une heureuse conséquence de notre croissance économique florissante. En réalité, il est le fils consanguins de plusieurs actions manipulatrices des cycles économiques et des marchés apuyés sur ces derniers.
Le prix du pétrole est en chute libre en raison de l’action principalement de l’Arabie Saoudite qui escompte etouffer l’ensemble de ses concurrents (Américain avec le pétrole et gaz de schistes, l’Iran, la Russie, le Vénézuela, etc…) en pratiquant une surproduction constante qui a le don de faire baisser mécaniquement les cours du baril en provoquant une situation de surproduction et de surabondance sur le marché.
Les autres éléments sont du fait des banques centrales qui, sous pretexte de soutenir les marchés afin d’éviter une rechute du type « Crise des Subprime » abreuvent les marchés de liquidités dont ces derniers ne savent plus quoi faire, sans que cela ait aucune conséquence positive sur l’économie réelle.
Les politiques de taux bas ne relancent pas le crédits, ne fluidifient pas le marché du travail, ne relance pas l’investissement. Tout juste, l’action de la BCE a t-elle brutalement fait chuter l’euro face au dollar ce qui bénéficie aux entreprises exportatrices ou exposées au Dollar, mais retirez les banques centrales du jeu et le marché, livré à lui même se serait peut-être très bien débrouillé pour corriger ses propres excès et défaillances.
Il est en effet amusant de constater que les institutions les plus libérales, garantent d’un environnement de marché libre et concurentiel, arbitre et régimente à ce point le secteur, quitte à créer d’importantes distorsions.
Et c’est là où l’on en vient au douloureux constat que 2015 n’a finalement pas été une bonne année.
A force de manipuler les cours, les tendances de marchés, les taux, les parités, le niveau de liquidités, on n’en arrive à ce que la machine bien huilée des cycles économiques se retrouve déstabilisée. Là où les gérants, les analystes ou les économistes savaient à peu près dans quelle direction les choses pouvaient se diriger à l’aune des indices et signaux de marchés, les cartes complètement rebattues par les acteurs ayant la capacité de manipuler l’environnement économique à leur guise par leur action (ou inaction) finissent par brouiller la lecture classique des informations.
En découlent des analyses erronées car les fondamentaux deviennent mouvants et d’une volatilité qui ne doit rien a des mouvements de marchés clairement identifiables. On nepeut pas demander à un analyste de conjecturer sur des chimères et des décisions dont les conséquences ne sont même pas anticipées par ceux qui les prennent.
C’est en effet tout l’art et tout le talent de ceux qui son attachés à la lecture de la matière économique dont Monsieur Cambier fait partie, même si ce ne sont pas pour des raisons théoriques mais bien pour la gestion de portefeuilles. Ils doivent dresser des scenarii, des bilans, établir des stratégies d’investissement, etc…
Or ils travaillent sur une matière finie. Les actions des entreprises ne peuvent pas être, contrairement aux banques centrales, non conventionnelles au risque de compromettre leur chances d’avenir. Comment bâtir des stratégies réalistes quand les banques centrales changent d’avis d’un board à l’autre ?
Sorties de leur cadre d’intervention habituel tout en invoquant leur mandat, elles outrepassent pourtant largement leurs obligations et leurs prérogatives, en croyant bien faire pour juguler l’inflation ou la déflation. Le nouveau leitmotiiv de ces institutions semble être la stagflation, un monde où rien ne se passe au sein d’un range de prix sufisamment large pour donner l’illusion d’une succession de cycle, mais clairement borné, afin d’éviter les chocs, chocs qui pourraient pourtant être autant d’opportunités à saisir pour les générations à venir.
Au lieu de celà, les banques centrales nous préparent un monde économiquement prévisible dans lequel les cycles tels qu’on les connaissaient disparaissent au profit d’une visibilité sécuritaire pour ceux qui attendent des rendements, mais terriblement morbide pour le dynamisme de l’économie réelle. Et ce d’autant plus au grand dam de Monsieur Cambier et des gouvernants qui parient souvent sur les cycles, leur chonicité rassurante et leur relative ponctualité pour construire stratégies et politiques.
La lecture des cycles de nos économies modernes va être de plus en plus compliqué. Et pour cause, les cycles ont disparus…