Humeur,  Politique

Le parquet a encore du vil pain sur la planche

Aujourd’hui 29 janvier, au lendemain du dénouement du procès en première instance de l’affaire dite « Clearstream », qui a vu la condamnation des deux exécutants Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud ainsi que la relaxe de Dominique de Villepin, le parquet a fait connaître son intention, par la voix du procureur Jean-Claude Marin, d’interjeter appel de la décision concernant l’ancien Premier Ministre.

Quelle lecture donner à cette décision ?

Tout d’abord, une lecture judiciaire. En effet, si les réquisitions du parquet ont été suivies au mot près par le tribunal concernant Gergorin et Lahoud, il n’a toutefois pas eu gain de cause pour le cas de Villepin, la relaxe étant assez éloignée de sa conception de l’implication de l’ancien Premier Ministre dans l’affaire et des 18 mois requis assortis de 45.000 euros d’amende.
Fort naturellement, comme cela arrive très fréquemment lorsqu’il considère ne pas être satisfait de la décision prise par le tribunal et comme cela est son droit, le parquet peut faire appel de cette décision.  Ce type de décision est prise quasi quotidiennement dans l’ensemble des tribunaux français. Ce n’est donc pas une exception ou une anomalie juridique.

Néanmoins, derrière cet acte judiciaire, se cache une lecture bien plus politique de l’évènement, une lecture d’autant plus prégnante que l’affaire est tout autant sinon plus politique que judiciaire.

En effet on est tout d’abord frappé par le fait que l’appel ne concerne que la relaxe de M. de Villepin. On constate par exemple qu’il n’est pas question de rejuger Denis Robert alors que, techniquement parlant, le parquet aura les même raison de faire appel que pour M. de Villepin. Ce choix est en cela assez paradoxal et ne peut conduire qu’à en conclure que le choix n’est pas juridique, mais politique.

Mais allons plus loin. Hier, le chef de l’État, dont on sait qu’il a des intérêts personnel dans cette affaire, à clamé haut et fort par voie de communiqué son intention de ne pas faire appel. Au delà de l’incongruité de cette déclaration (rappelons que les parties civiles ne peuvent pas faire appel du jugement mais seulement des intérêts civils), on y a vu une volonté de tourner la page et un message à peine voilé à l’endroit du parquet et du procureur Marin (dont personne n’ignore sa Sarkozyte aigüe) pour que ce dernier ne fasse pas appel du jugement. Nous savons désormais qu’il n’en était rien.

Qu’elle est donc la signification de cet appel et surtout, pourquoi est il lancé ?

Bien que le Président de la République ait fait connaître publiquement et avec un certain humour involontaire sa volonté de passer à autre chose, rien n’indique qu’il n’y a pas eu malgré tout des consignes passées auprès du parquet pour que celui ci fasse appel. C’est un calcul fin et stratégique.
Tout d’abord, le fait que Nicolas Sarkozy se retire des parties civiles va le désengluer d’une polémique que sa représentation directe au procès avait fait éclore. Bien que le tribunal ait jugé légal la possibilité pour le Chef de l’État d’être représenté dans l’affaire en tant que partie civile, cela avait créé une distorsion entre le rôle de Chef de l’État et l’implication dans un procès. Plus encore, la décision finale de relaxe de Dominique de Villepin sonnait comme une défaite directe de Nicolas Sarkozy puisqu’il était directement concerné.
La procédure d’appel, si, de l’avis des juriste, n’a pas beaucoup plus de chances d’aboutir que la première instance sur une condamnation de l’ancien Premier Ministre, va permettre cette fois, dans le cas ou effectivement la relaxe serait confirmée, de détacher cette décision du Président de la République et ainsi n’infliger un camouflet qu’au seul parquet. Par ailleurs, Dominique de Villepin va perdre un peu de son statut de victime expiatoire du Sarkozysme en étant cette fois ci qu’en confrontation avec le parquet.

L’autre élément stratégique de cette décision d’appel consiste cette fois à perturber le calendrier politique de Dominique de Villepin. Ce dernier n’a pas fait ombre de ses envies et de ses projets pour 2012. Cela agace profondément l’Elysée. Mais cela provoque aussi quelques remous dans la majorité. Alors que l’UMP peine a réaliser le consensus pour les régionales, que le Chef de l’Etat n’est plus le bienvenue pour soutenir ses troupes et que les perspectives de réélection facile en 2012 ne sont plus aussi nettes, la venue d’un candidat perturbateur n’est pas désirée.
Aussi, cette procédure et ce second procès vont servir à perturber les projets de Dominique de Villepin en plus, accessoirement, de permettre au Président d’assouvir un projet de vengeance et de vendetta personnelle. Plus que la perspective de devoir lutter contre un adversaire dans son propre camp, c’est l’espoir d’enterrer définitivement la Chiraquie qui est incarnée dans ce procès.
Avec un procès prévu au plus tôt pour début 2011, on peut penser raisonnablement qu’il va occuper une bonne partie de l’année. Trop de temps pour que la Villepinie puisse agir efficacement pour les échéances de l’année suivante. Tout du moins, c’est le pari du pouvoir.

Mais, cette stratégie est a double tranchant. Le premier, on l’a dit, c’est de replonger la tête de Dominique de Villepin dans la baignoire afin de lui interdire si possible les portes de la campagne de 2012 et anéantir ses ambitions personnelles, en plus que de rendre une virginité judiciaire à Nicolas Sarkozy est l’extrayant de la nouvelle procédure. Mais, comme tous les paris, c’est un pari risqué. En effet, si depuis 2007 la visibilité médiatique et l’existence politique de M. de Villepin était assurée par le feuilleton Clearstream, la fin de celui-ci, par un dénouement heureux ou malheureux pour lui, marquait la fin d’une tribune exceptionnelle pour lui et donc une petite mort médiatique et une disparition du paysage. Relaxé, cela lui conférait un statut de victime et de héros. Probablement inacceptable pour les collectionneurs de Crocs de Boucher.
Le procès en appel va certes polluer les projets de Dominique de Villepin – encore que rien ne soit véritablement impossible si l’on est bien organisé – mais cela va relancer sa machine à communiquer pendant encore un bon moment, un temps de parole qui ne sera pas décompté puisque l’on se situe sur le terrain judiciaire.

Le parquet prend donc le risque de ne pas obtenir gain de cause tout en permettant au principal ‘intéressé de s’assurer une tribune confortable, bien que disponible à des conditions particulièrement pénible, pour encore un certain temps. Le bénéfice escompté par ce procès en appel apparaît comme bien hypothétique et fragile par rapport aux risque consentis par le parquet et derrière lui le Chef de l’État.

Dernière inconnue : l’opinion. Par delà les vicissitudes des uns et des autres, est ce que l’affaire Clearstream a et aura des influences sur les « côtes de popularités » des uns et des autres, que ce soit en bien ou en mal. Dominique de Villepin va t-il tirer un réel avantage populaire à cet « acharnement » judiciaire ou bien cela n’aura aucune influence, présumant alors qu’il était, avant le début du procès, déjà mort politiquement ? Et de l’autre côté, cette disposition de mesure qui consiste à se retirer du procès en appel va t-il servir le Chef de l’État d’une quelconque façon  ou bien cela n’aura aucun impact, présumant alors que ce procès n’intéresse au final que les commentateurs ?

Après la tournée des médias de Dominique de Villepin, nous n’entendrons certainement pas parler de l’affaire avant un bon moment, sauf sortie exceptionnelle des uns ou des autres. Rendez vous donc au prochain numéro pour la suite des aventures de Jean-Louis, Imad et Dominique au Luxembourg.

Maître de ces lieux

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