Chief bullshit officer T1
Livres

Chief Bullshit Officer – Tome 1

L’époque est à la crise existentielle dans le monde du travail.

Peu de secteurs ou de professions y échappent. Même le monde de l’agriculture, pour ne prendre que cet exemple, dont le cœur de métier consiste à nourrir les hommes, et donc est extraordinairement porteuse de sens, fait face aujourd’hui à une remise en cause. Face à toutes les difficultés et les contraintes qui s’imposent à tous les professionnels du secteur, il n’y aura jamais autant eu de reconversions et de doutes face à l’avenir. Les mises en cause des pratiques agricoles poussent également certains à se demander ce qu’ils font la.

La crise du COVID aura accentué le phénomène dans un grand nombre d’autres domaines, dont celui évidemment du « tertiaire » en général et de l’informatique en particulier.

Combien d’entre nous se sont ils réveillé un jour en se demandant pourquoi ils faisaient ce pour quoi ils sont payés. Si leur métier avait un sens ou un impact et si, finalement ils n’emploieraient pas leur talent ou leur énergie à autre chose qui les passionne d’avantage ?

Si le COVID a servi d’accélérateur au phénomène, ce dernier était la déjà bine avant. En témoigne les vagues successives de reconversion de banquier en boulangers bio ou de traders en réparateurs de moto vintage.

Real bullshit

Tout un pan de la littérature évoquait par ailleurs dans le détail toutes les dérives de ces fameux bullshit jobs, fonctions inutiles ou du moins largement surévaluées par rapport à leur contribution réelle aux progrès de l’économie et de la société.

Dans un excellent documentaire, Arte mets en lumière que la majorité des salariés qui quittent leur poste le font à cause de leur management qui ne leur donne pas de vision ou de sens au travail quotidien qu’ils réalisent. Sans impact ressenti, le sentiment d’inutilité prend le dessus et conduit, au mieux à la “résignation”, au pire au bore out ou à la dépression.

Chacun est en droit de s’interroger sur la vacuité de son travail, même quand celui-ci est particulièrement concret. Mais on constate que c’est dans les métiers du service au sens large que cette crise de sens se fait le plus douloureusement sentir.

La faute à deux principaux vecteurs.

D’une part justement, le manque de concret. Derrière un ordinateur, loin des humains, on a du mal à se projeter dans l’impact réel de ce que l’on produit chaque jour. On n’est plus vraiment à l’époque où l’ouvrier produisait des machines biens matérielles, palpables et à l’usage clairement identifié. #vieuxcon

D’autre part, en raison de tout le “cérémonial” qui entoure les métiers de l’informatique avec son jargon, sa structure, sa hiérarchie, mélange d’organisation matricielle et horizontale, et son rythme de travail assez chaotique.

Chief Bullshit Officer, un livre qui vise juste

C’est là que Chief Bullshit Officer de Fix trouve toute sa justesse. Pour qui a déjà fréquenté un open space, même de loin, il est facile de se reconnaître dans l’une ou l’autre des situations mises en images par le dessinateur. On ne souhaite évidement pas à chacun d’avoir vécu dans sa chair l’intégralité des situations, mais toutes ou presque ferons écho chez vous. C’est une évidence.

Tout y passe : le patron un peu dépassé qui ne maîtrise pas vraiment les codes du nouveau monde, le management intermédiaire tiraillé entre l’obligation de résultats, la capacité d’action étriquée et des collaborateurs plus ou moins volontaires. Tout ce qui fait la joie (ou le désespoir) d’une vie de bureau est aussi étrillée joyeusement.

Bref, on passe un très bon moment face au coup de crayon génial de Fix.

Pourtant rien de ce qui prête à sourire dans la BD (ou à désespérer dans la vraie vie de la réalité véritable) n’est une fatalité. Si l’on a découvert que le travail dans le monde de l’IT (informatique) pouvait confiner à la pratique quasi religieuse, de nombreuses entreprises ont tâchées de remplacer la vacuité, le vide de sens, ou le “bullshit” par un esprit constructif, bienveillant, articulé autour d’une organisation, de valeurs et de réalisations concrètes.

Comme dirait l’autre : “Oui, un autre monde est possible !”.

Ce qui fait que certains méfaits continues de perdurer, c’est que d’aucuns y trouvent un intérêt. Les réunions interminables permettent à certains de masquer leur impréparation, le jargon anglo-saxon faussement technique permet à d’autre de briller et de se faire mousser à peu de frais. “L’art de faire de la mousse sans savon” comme le dit si bien Jean-Bill Duval.

Une perte de sens inéluctable ?

En définitive, et quoi qu’on en dise, il n’y a pas de sots métiers (bon, faudra reparler un jour des influenceurs quand même…).

Ce qui peut faire douter certains de la pertinence de leur métier au quotidien, c’est moins le fait que leur métier soit effectivement inutile ou pas (”si je m’arrête de bosser, est ce que ça a un impact significatif sur la fonctionnement de la société ou de l’économie ?”) que le fait plutôt que personne ne prend le temps et la peine de leur rappeler le “pourquoi”.

Avec cette seule, simple et unique question, on se rend compte très vite que l’immense majorité des situations dépeintes par Fix dans Chief Bullshit Officer, et qui nous prête à sourire jaune, n’auraient plus aucun espace pour exister.

D’apparence simpliste, c’est pourtant une question épineuse. D’autant plus douloureuse qu’elle pousse à l’introspection des organisations et des actions au quotidien. Un filtre “anti-bullshit”, salutaire pour notre quotidien et nos sociétés, moins pour ceux qui nous régalent par leurs productions à s’en moquer joyeusement !

Maître de ces lieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *